Linguistique
6. Les sciences du langage: frontières et confluences
Un peu plus d'un siècle après la publication du Cours de Saussure qui fonde la linguistique comme telle, l'Association des Sciences du Langage (ASL) s'efforce d'interroger régulièrement le passé, le présent et le futur de la discipline.
En 2003, la question portait sur le champ, les fonctions et les activités de la discipline, sous le titre "Mais que font les linguistes?" en 2005 (Jacquet-Pfau/Sablayrolles 2005), sur les relations "Sciences du langage et sciences de l'homme"; en 2015 (Rabatel et al. 2016) et 2019 (Temmar et al., 2021), sur l'interdépendance disciplinaire au-delà des Sciences Humaines et Sociales, entre autres les neurosciences ou encore la robotique (ASL 2023).
C'est dans cette même perspective que nous proposons cette section pour le congrès des Francoromanistes dont le thème est la confluence. Nous souhaitons interroger la transdisciplinarité des Sciences du Langage, qui invite à dépasser les cloisonnements des recherches dans ce domaine, mais favorise au contraire les convergences et les rencontres.
La question des marges versus du centre ou bien du centre et de la périphérie de la discipline se pose depuis longtemps, notamment dans le cadre des travaux du Centre de Linguistique de Prague: on pourra consulter ainsi les actes 2010 du colloque sur le centre et la périphérie du système (Écho des études romanes, 6/1–2).
Nous voulons ici, dans le même esprit, passer du système à la discipline, autrement dit du centre et des marges du système au centre et aux marges de la discipline.
Cette interrogation épistémologique et historique est d'autant plus nécessaire que la discipline est devenue au début des années 80 "sciences du langage" au pluriel, avec différentes identités, et que ces SdL affichent depuis plusieurs décennies une diversité qui a pu relativiser la place du "proprement" linguistique dans la discipline.
Il apparaît par ailleurs que la linguistique actuelle ne connaît plus vraiment un centre et des marges, plutôt des collaborations disciplinaires, voire des rapports pluridisciplinaires, ce qui donne lieu à des croisements et des confluences de recherche et ce qui pose toujours la question des limites (les marges et le centre) de la discipline.
On pourra donc s'interroger sur les points suivants, dont la liste n'est pas limitative:
- Comment la linguistique participe d'autres disciplines, telles que la sociologie, l'histoire, la philosophie, la littérature, la psychiatrie, les neurosciences ou encore l'information et communication et les nouvelles technologies.
- L'interdisciplinarité? Fait-elle courir le risque de la dilution de la linguistique générale, de l'affaiblissement de ses principes fondateurs?
- Offre-t-elle au contraire des occasions, voire des chances de nouvelles coopérations, d'élargissement du cercle de celles et ceux qui prennent en compte les problématiques langagières en explorant l'illusion de la transparence du langage?
- Permet-elle des enrichissements théoriques ou méthodologiques?
Des communications proposant des exemples de confluences seront par ailleurs bienvenues.
Bibliographie
- ASL (ed.). 2023. Actes du colloque, Paris: Association des Sciences du Langages.
- Jacquet-Pfau, Christine/Sablayrolles, Jean-François. 2005. Mais que font les linguistes? Les Sciences du Langage, vingt ans après. Paris: L'Harmattan.
- Neveu, Franck/Pétillon, Sabine. 2007. Sciences du langage et sciences de l'homme. Limoges: Lambert-Lucas.
- Ponchon, Thierry/Laborde-Milaa, Isabelle. 2009. Sciences du langage et nouvelles technologies. Limoges: Lambert-Lucas.
- Rabatel, Alain et al. 2016. Sciences du langage et neurosciences. Limoges: Lambert-Lucas.
- Temmar, Malika et al. (eds.). 2021. Les Sciences du langage face aux défis de la disciplinarisation et de l'interdisciplinarité. Limoges: Lambert-Lucas.
25 septembre
11.00–11.45 | Le sujet parlant au cœur de l'interdisciplinarité (Patrick Charaudeau) |
11.45–12.30 | Le discours philosophique au carrefour des genres (Malika Temmar) |
Pause déjeuner | |
16.00–16.45 | L'analyse linguistique d'entretiens biographiques: contribution de l'Histoire Orale (Annette Gerstenberg) |
16.45–17.30 | Révéler le potentiel interdisciplinaire entre la linguistique, l'histoire et la didactique des langues étrangères. Réflexions méthodologiques et approches transdisciplinaires pour la recherche de l'acquisition de langues étrangères à l'époque moderne (Hans Baumann) |
26 septembre
9.00–9.45 | Un champ à la confluence: l'analyse du discours(Dominique Maingueneau) |
9.45–10.30 | La linguistique et la sémiotique: convergences et divergences théoriques. Éléments pour un dialogue fécond (Marion Colas-Blaise) |
Pause café | |
11.00–11.45 | La notion de théorie en linguistique: linguistique théorique et théories linguistiques (Philippe Monneret) |
11.45–12.30 | Structures et unités textuelles – points de jonction entre la rhétorique et la linguistique? (Ondřej Pešek) |
Pause déjeuner | |
16.00–16.30 | Présentation des nouveaux Manuals of Romance Linguistics |
16.30–17.30 | Vin d'honneur |
27 septembre
9.00–9.45 | Pour une approche discursive de la formation doctorale. Quand sciences du langage et sciences de l'éducation se rencontrent (Pascale Delormas) |
9.45–10.30 | La confluence des corpus et des genres en analyse du discours contrastive (Patricia Von Munchow) |
Pause café | |
11.00–11.45 | Linguistique et logique (Guy Achard-Bayle) |
Malika Temmar (Paris/Amiens), Guy Achard-Bayle (Lorraine)
Les sciences du langage: frontières et confluences
Plus d'un siècle après la publication du Cours de Saussure, qui fonde la linguistique, l'Association des Sciences du Langage (ASL) interroge régulièrement le passé, le présent et le futur de la discipline: en 2003, la question portait sur le champ, les fonctions et les activités de la discipline: Mais que font les linguistes?; en 2005, sur les relations entre Sciences du langage et sciences de l'homme; en 2015 et 2019, sur l'interdépendance disciplinaire au-delà des SHS; enfin, en 2021, sur l'héritage des savoirs et leur transmission. C'est dans cette perspective que nous souhaitons interroger la transdisciplinarité, qui invite à dépasser les cloisonnements des recherches, et, inversement, à favoriser les confluences. La question du centre vs des marges du système se pose depuis longtemps Nous passerons ici du système à la discipline. Cette interrogation épistémologique est d'autant plus nécessaire que la discipline est devenue au début des années 1980 sciences du langage au pluriel, et que ces SdL affichent depuis des décennies une diversité qui a pu relativiser la place du proprement linguistique. Il apparaît enfin que la linguistique actuelle, en fait de centre et marges, connaît plutôt des collaborations disciplinaires voire des rapports pluridisciplinaires, qui donnent lieu à des confluences de recherche, ce qui pose toujours la question des limites (marges et centre) de la discipline: c'est ce que les communications de cette section interrogeront.
- Charaudeau, Patrick/Monneret, Philippe. 2024. De l'héritage des savoirs à leur transmission en sciences du langage. Limoges: Lambert-Lucas.
- Jacquet-Pfau, Christine/Sablayrolles, Jean-François. 2005. Mais que font les linguistes? Les Sciences du Langage, vingt ans après. Paris: L'Harmattan.
- Temmar, Malika/Krylyschin, Marina/Achard-Bayle, Guy. 2021. Les Sciences du langage face aux défis de la disciplinarisation et de l'interdisciplinarité. Limoges: Lambert-Lucas.
Guy Achard-Bayle (Lorraine)
Linguistique et logique
Les relations entre langue, langage et raisonnement ou raison sont si étroites, dans la tradition issue de la philosophie grecque, que pour cette dernière le terme logos a pu désigner l'ensemble de ces domaines, facultés ou opérations: "logos signifiant à la fois [en grec ancien] parole – discours – définition – argumentation – jugement (susceptible de vrai ou de faux) – ordre, et finalement, 'logique'" (Jullien 2006, 11). La présente communication tentera d'exposer quelles ont pu être ces relations en trois moments: Dans un premier temps, logique et grammaire sont à la fois interdépendantes et distinctes (de l'Antiquité grecque au Moyen-âge, pas seulement occidental ou chrétien, cf. Maïmonide, jusqu'au XVIIe siècle français dit "siècle de la Raison"). Suivant, ensuite, les travaux du Cercle de Prague, nous nous pencherons sur la manière dont Martin (1983) a revu les fondements logiques de l'analyse linguistique en termes d'organisation informationnelle de la phrase. Pour finir, nous verrons comment des travaux récents, menés dans une perspective discursive et textuelle, et s'attachant à prendre en compte le contexte et le co-texte des unités méso- et macro-textuelles ("au-delà de la phrase"), mettent l'accent non pas tant sur la relation "mots-monde" que sur la conceptualisation et la représentation ou les représentations de cette relation, qui fondamentalement, ou jusqu'alors, relevait de la philosophie, de la philosophie du langage.
- Arnauld, Antoine/Nicole, Pierre. 1970 [1662]. La Logique ou l'art de penser. Paris: Flammarion.
- Jullien, François. 2006. Si parler va sans dire. Du logos et d'autres ressources. Paris: Seuil.
- Martin, Robert. 1983. Pour une logique du sens. Paris: Presses Universitaires de France.
Hans Baumann (Tübingen)
Révéler le potentiel interdisciplinaire entre la linguistique, l'histoire et la didactique des langues étrangères. Réflexions méthodologiques et approches transdisciplinaires pour la recherche de l'acquisition de langues étrangères à l'époque moderne
Bien que diverses disciplines des sciences humaines – en particulier la linguistique, l'histoire et la didactique des langues – s'intéressent à la recherche des langues étrangères et du multilinguisme à l'époque moderne (cf. Glück et al. 2013; Kuhfuß 2014), le potentiel interdisciplinaire de ce domaine de recherche encore jeune a été peu exploité jusqu'à présent. Alors que les linguistes et les didacticiens des langues étrangères travaillaient principalement sur les manuels et grammaires en tant que moyen pour apprendre de langues étrangères à l'époque moderne – négligeant souvent des sources telles que les correspondances rédigées par les apprenants dans la langue cible ou ne les examinant qu'à la lumière de particularités linguistiques – les historiens s'intéressaient peu à la maîtrise réelle de la langue par les apprenants. Cette communication vise à combler cette lacune en esquissant, à l'aide de l'exemple de l'acquisition du français par des adolescents et des jeunes adultes germanophones dans le cadre de séjours à l'étranger dans l'espace francophone à l'époque moderne, les opportunités et le potentiel d'une approche interdisciplinaire entre la linguistique, l'histoire et la didactique des langues étrangères. L'objectif est ainsi d'obtenir une image plus complète de l'acquisition et de l'usage du français aux XVIIe et XVIIIe siècles.
- Glück, Helmut et al. (eds.). 2013. Mehrsprachigkeit in der Frühen Neuzeit. Die Reichsstädte Augsburg und Nürnberg vom 15. bis ins frühe 19. Jahrhundert. Wiesbaden: Harrassowitz.
- Kuhfuß, Walter. 2014. Eine Kulturgeschichte des Französischunterrichts in der frühen Neuzeit. Französischlernen am Fürstenhof, auf dem Marktplatz und in der Schule in Deutschland. Göttingen: V & R Unipress.
Patrick Charaudeau (Paris)
Le sujet parlant au cœur de l'interdisciplinarité
La notion de sujet se trouve au cœur des sciences humaines et sociales, et celle de sujet parlant en est le fédérateur. En effet, l'histoire de cette notion se confond avec celle de la philosophie, des sciences sociales, de la logique et de la grammaire. La première déterminant un mode de pensée dans lequel se joue le sujet comme destinée humaine; la seconde tentant de saisir les déterminations sociales et psychologiques d'un sujet pris dans les rets de la vie en société; la troisième, dans la filiation de la rhétorique, cherchant à définir, en relation avec le langage, les modes de raisonnement d'un sujet parlant visant à influencer autrui; la quatrième, la grammaire, en tant que description plus ou moins normative des systèmes de la langue, dont le sujet parlant se trouve être l'opérateur, et dont s'empare la linguistique pour en faire autre chose qu'une catégorie grammaticale. C'est dire que cette notion a besoin, pour être comprise, d'être étudiée de façon interdisciplinaire. Dans cet exposé, on tentera de montrer, à travers des exemples, comment le sujet parlant joue entre sa compétence linguistique et sa compétence discursive, comment, pris entre déterminations sociales et désir de singularisation, il s'y prend pour construire de la signification à travers son acte d'énonciation.
- Austin, John L. 1970. Quand dire, c'est faire. Paris: Seuil.
- Benveniste, Émile. 1966. Problèmes de linguistique générale. Paris: Gallimard.
- Charaudeau, Patrick. 2023, Le Sujet parlant en sciences du langage. Contraintes et libertés. Une perspective interdisciplinaire. Limoges: Lambert-Lucas.
Marion Colas-Blaise (Luxembourg)
La linguistique et la sémiotique: convergences et divergences théoriques. Éléments pour un dialogue fécond
Entre la linguistique et la sémiotique qui, essentiellement à travers les travaux d'Algirdas Julien Greimas et de Jacques Fontanille, a son ancrage dans la linguistique, les points de jonction sont réels, même si les occasions de dialogue et les échanges se font rares. La raison réside-t-elle dans des incompatibilités théoriques réelles ou dans un certain désintérêt de part et d'autre, dans une absence de volonté de mettre les hypothèses à l'épreuve d'une discipline autre, quoique parente ? L'accent sera mis sur des questionnements relatifs à l'énonciation, à partir des bases benvenistiennes et greimassiennes de la notion d'énonciation jusqu'à des développements récents (Colas-Blaise 2023). D'abord, nous nous interrogerons sur la différence entre l'énonciation énoncée et l'énonciation en acte (Fontanille 2003), avant que les notions linguistique et sémiotique d'acte et d'action soient repensées à travers la notion de pratique. Ensuite, une attention particulière se portera sur la deixis et sur les opérations de l'embrayage et du débrayage.Finalement, les notions de texte/textualisation et de contexte/contextualisation (Adam 2006), à la fois traitées par la linguistique et par la sémiotique, seront questionnées à nouveaux frais.
- Adam, Jean-Michel. 2006. "Texte, contexte et discours en questions". Pratiques 129–130, 21–34.
- Colas-Blaise, Marion. 2023. L'énonciation. Évolutions, passages, ouvertures. Liège: Presses universitaires de Liège.
- Fontanille, Jacques. 2003 [1999]. Sémiotique du discours. Limoges: PULIM.
Pascale Delormas (Paris)
Pour une approche discursive de la formation doctorale. Quand sciences du langage et sciences de l'éducation se rencontrent
Cette communication rend compte du bénéfice attendu, notamment pour les doctorants, de la diffusion de l'approche discursive dans les sciences de l'éducation. Ainsi, les rapports de jury de thèse (Dardy et al. 2002) font état de l'insuffisante formation à l'écriture académique, en dépit des activités proposées par les écoles doctorales. Or de telles formations fournissent l'occasion d'enrichir les problématiques choisies, voire de les renouveler, parce qu'elles amènent à une démarche réflexive et parce qu'elles affrontent le problème des inégalités sociales. La prise en compte de la dimension sociétale de la thèse ne suppose pas que soient ignorées ses dimensions phrastique, interphrastique et textuelle, ni le niveau intermédiaire de la généricité. Une initiation explicite à l'analyse du discours (française) permet d'articuler les trois niveaux micro, méso et macro. Outre l'attention portée aux marques langagières au ras du texte, on ne peut faire l'économie de l'observation des manières de dire que légitime l'institution, celle-ci conditionnant celles-là. Ainsi, l'écriture de la thèse gagne à être envisagée comme discours parce qu'elle relève d'un genre institué et, étant donné la prégnance de l'ethos, comme le lieu du processus de construction d'une autorité discursive; la question du positionnement est centrale et elle requiert que l'on s'intéresse aussi bien à la mise en scène énonciative des points de vue des acteurs/scripteurs qu'aux modes de constitution des champs dont se réclament leurs travaux scientifiques – espaces de forces et de luttes (Bourdieu 2022).
- Bourdieu, Pierre. 2022. Microcosmes. Théorie des champs. Paris: Raisons d'agir.
- Dardy, Claudine et al. 2002. Un genre universitaire: le rapport de soutenance de thèse. Villeneuve d'Ascq: Presses universitaires du Septentrion.
- Delormas, Pascale. 2015. "O ensino dos usos letrados nos curricula universitários: um objeto para a análise do discurso". In: Juliana Alves et al. (eds.), Letramento e formação universitária. Campinas: Mercado de Letras, 477–504.
Annette Gerstenberg (Postdam)
L'analyse linguistique d'entretiens biographiques: contribution de l'Histoire Orale
Le tournant linguistique des années 1990 a réorienté la discussion sur la fiabilité de l'historiographie orale avec son "error of recall" (Jensen 1981), en ouvrant la voie pour les analyses constructivistes, qui au fur et à mesure se sont établies dans la science historique. En termes linguistiques, cette nouvelle perspective porte une attention nouvelle aux éléments non grammaticaux, et relevant de l'oralité. Cette nouvelle orientation représente un défi important, étant donné que la tradition de transcription des sources de l'histoire orale a longtemps eu tendance à "corriger" les hésitations et approximations propres à l´oral, pour rester en adéquation avec les attentes de l'écrit, structurées autour de phrases complètes, avec leur ponctuation. Ce traitement des textes fait l'objet d'une nouvelle réflexion dans le contexte de la numérisation des ressources de l'histoire orale (Appel et al. sous presse). Notre contribution pose à l'inverse la question de savoir quelle perspective la prise en compte des caractéristiques proprement historiques des sources ouvre à l'analyse linguistique (van de Mieroop/Bruyninckx 2009), portant sur des sources françaises, avec un accent sur les données de la période de la Seconde Guerre mondiale. Nous interrogeons le rapport entre les approches historiques et linguistiques dans l'analyse des données d'histoire orale. En guise de conclusion, des perspectives d'exploitation interdisciplinaire des données d'histoire orale sont présentées.
- Apel, Linde et al. Sous presse. "Oral History im digitalen Wandel. Interviews als Forschungsdaten". In: Linde Apel (ed.), Erinnern, erzählen, Geschichte schreiben. Oral History im 21. Jahrhundert. Berlin: Metropol.
- Jensen, Richard. 1981. "Oral History, Quantification, and the New Social History". The Oral History Review 9, 13–25.
- van de Mieroop, Dorien/Bruyninckx, Kris. 2009. "The Influence of the Interviewing Style and the Historical Context on Positioning Shifts in the Narrative of a Second World War Resistance Member". Journal of Sociolinguistics 13/2, 169–194.
Dominique Maingueneau (Paris)
Un champ à la confluence: l'analyse du discours
La notion de "confluence" ne prend pas le même sens selon qu'on parle de "linguistique" ou de "sciences du langage". L'analyse du discours est une des composantes des sciences du langage, mais elle-même se trouve par nature à la confluence de la linguistique et d'autres champs des sciences humaines et sociales. Ce qui rend radicalement problématique son unité, comme le montre l'usage de plus en plus fréquent du pluriel "études de discours", version française de "discourse studies". Ce pluriel vise moins à regrouper des disciplines distinctes qu'à prendre acte des relations très diverses que ses multiples courants entretiennent avec la psychologie, la sociologie, l'anthropologie, la philosophie ... À cet égard, la constitution de l'analyse du discours est révélatrice. On ne peut pas la référer à quelque(s) fondateur(s) qui auraie(n)t configuré un espace partagé par une multitude de successeurs. Il résulte de la confluence à partir des années 1980 de recherches menées dans plusieurs pays et issues de disciplines diverses. Cette diversité des approches est renforcée par le fait que son objet même, le discours, est loin d'être homogène. Certes, on peut s'efforcer de l'unifier, par exemple autour de la notion de genre de discours ou d'interaction, mais il est plus réaliste de considérer qu'il est partagé entre des régimes hétéronomes: les genres institués, les conversations, le web, etc. Cette fragmentation est accentuée par le développement des technologies numériques.
- Angermuller, Johannes et al. 2014. Preface to The Discourse Studies Reader. Main Trends in Theory and Analysis. Amsterdam/Philadelphia: Benjamins, 1–10.
- van Dijk, Teun. 1985. Handbook of Discourse Analysis, 4 vol. London: Academic Press.
- Maingueneau, Dominique. 2017. "The heterogeneity of discourse: expanding the field of discourse analysis". Palgrave Communications 3.
Philippe Monneret (Paris)
La notion de théorie en linguistique: linguistique théorique et théories linguistiques
La diversité, voire l'éclatement des approches contemporaines des phénomènes linguistiques requiert l'élaboration d'une perspective générale en linguistique, qui ne se préoccupe pas seulement de généralisations à partir de descriptions de langues, mais qui prenne également en charge la relation entre les apports de la linguistique générale, descriptive ou typologique et les apports des autres disciplines qui prennent le langage ou les langues comme objets d'étude: philosophie du langage, informatique et IA (intelligence artificielle), sciences cognitives, études littéraires, etc. C'est cette perspective générale qu'une "linguistique théorique" vise à prendre en charge. Par conséquent, une linguistique théorique conçue de cette façon ne se limite pas à une approche critique des théories linguistiques et la question de ce qui est impliqué dans l'usage du concept de "théorie" en sciences du langage fait partie de son programme. Dans cette perspective, la confluence pluridisciplinaire n'est pas conçue comme une ouverture de la linguistique vers d'autres disciplines, mais comme une propriété intrinsèque de sa dimension théorique.
- Chomsky, Noam. 2021. Quelle sorte de créatures sommes-nous? Langage, connaissance et liberté. Montréal: Lux.
- Guillaume, Gustave. 1973. Principes de linguistique théorique. Laval: Presses de l'Université Laval.
- Haspelmath, Martin. 2021. "General linguistics must be based on universals (or non-conventional aspects of language)". Theoretical Linguistics 47/1–2, 1–31.
- Lautrey, Jacques et al. 2008. Les connaissances naïves. Paris: Colin.
Patricia von Münchow (Paris)
La confluence des corpus et des genres en analyse du discours contrastive
Dans cette communication, dont le cadre théorique et méthodologique est l'analyse du discours contrastive, on interrogera la confluence à un niveau "trans-corpus" et "trans-genre", qui implique aussi une certaine transdisciplinarité au-delà de celle qui est constitutive de l'analyse du discours en général. L'objet à long terme de l'analyse du discours contrastive est la mise au jour de différentes "cultures discursives" par l'intermédiaire des productions verbales qui en relèvent. Initialement, il s'agissait de comparer des corpus relevant de différentes communautés au sens géographique du terme, l'invariant étant le genre discursif (von Münchow 2021). La démarche s'est ensuite ouverte à l'étude de corpus diachroniques (von Münchow 2023) – un manque jamais comblé en analyse du discours depuis ses débuts (voir Courtine 1981 aussi bien que Facq-Mellet 2021) – sans que l'invariant ne change pour autant. Dans une nouvelle recherche en cours on s'efforce de faire confluer non seulement des études contrastives synchroniques et diachroniques, mais aussi l'analyse de différents genres discursifs (didactiques et médiatiques), pour répondre à une même question de recherche: quelles sont actuellement et ont été dans le passé les représentations construites et véhiculées en Allemagne au sujet de la fuite et de l'expulsion d'Allemands des territoires devenus après la guerre essentiellement polonais et tchèques et comment sont-elles construites sur le plan discursif?
- Courtine, Jean-Jacques. 1981. "Quelques problèmes théoriques et méthodologiques en analyse du discours. À propos du discours communiste adressé aux chrétiens". Langages 62, 9–128.
- Facq-Mellet, Caroline. 2021. "Étude de l'évolution du genre du compte rendu des débats à l'Assemblée Nationale: pour une analyse du discours diachronique". In: Julie Glikman et al. (eds). De la diachronie à la synchronie et vice versa. Mélanges offerts à Annie Bertin. Chambéry: Presses universitaires Savoie Mont Blanc, 359–374.
- von Münchow, Patricia. 2021. L'analyse du discours contrastive. Théorie, méthodologie, pratique. Limoges: Lucas.
Ondřej Pešek (České Budějovice)
Structures et unités textuelles – points de jonction entre la rhétorique et la linguistique?
Faisant remonter ses origines à la grammaire (ou, dans une moindre mesure, à la logique), la linguistique moderne a longtemps entretenu une relation ambiguë avec la rhétorique. Pour autant, depuis la moitié du XXe siècle environ, on constate un regain d'intérêt significatif pour la rhétorique de la part des sciences du langage. Mais si la rhétorique revient sur scène, ce n'est pas pour renaître au sein des institutions scolaires et académiques sous sa forme complexe et circonscrite (à la Ad Herennium), mais plutôt pour servir de référence aux différentes théories, qui se réclament d'une manière éclectique de divers aspects qui caractérisaient l'art oratoire depuis Aristote jusqu'à Lamy. Dans notre communication nous n'aborderons que l'un des ''points de jonction'' entre la rhétorique et la linguistique contemporaine: la question des structures et des unités textuelles. Analysant les notions de séquences et de plans textuels, nous démontrerons ce qui unit ces notions aux éléments clé de l'inventio et de la dispositio, tels que nous les transmet la rhétorique classique. Dans la même perspective nous analyserons la notion des plans textuels et les définitions de la période, notion réintroduite dans la linguistique afin que son champ d'application puisse dépasser le cadre restreint de la phrase. Nous verrons si les références à la rhétorique classique que font les linguistes de texte contemporains ont une contrepartie réelle dans les conceptions anciennes ou s'il ne s'agit que d'une analogie formelle et extérieure.
- Achard-Bayle, Guy/Pešek, Ondřej. 2023. "La phrase en contexte et la hiérarchie des unités mésotextuelles". In: Luciana T. Soliman/Sophie Saffi (eds.), La phrase en contexte: grammaire et textualité. Padoue: Cleup, 121–160.
- Adam, Jean-Michel. 2005. La linguistique textuelle. Introduction à l'analyse textuelle des discours. Paris: Colin.
- Mann, William C./Thompson, Sandra A. 1988. "Rhetorical Structure Theory: Toward a Functional Theory of Text Organization". Text 8/3, 243–281.
Temmar Malika (Paris/Amiens)
Le discours philosophique au carrefour des genres
Le discours philosophique a été souvent décrit comme un discours argumentatif par essence (cf. Cossutta 1995). Il s'agira dans cette présentation de chercher à aller au-delà de la dimension purement argumentative de l'écriture philosophique, si on entend par cette dimension le recours à des opération argumentatives marquées notamment par des connecteurs logiques, en mettant en valeur la façon dont le discours philosophique se situe à la croisée de plusieurs genres de textes. Cette présentation s'appuiera sur les catégories de l'analyse du discours philosophique pour étudier ce phénomène. En interrogeant la façon dont le philosophe/énonciateur parvient à incarner ce que l'on pourrait appeler une "parole philosophique", je chercherai ici à mettre en valeur quelques gestes discursifs associés à ces opérations en me demandant: quels procédés discursifs permettent au philosophe de rendre accessible, de donner à voir à tous "la philosophie" malgré la variété des de genres auxquels les philosophes ont recours. Je porterai une attention particulière à la façon dont, tout en développant une écriture argumentative, l'écriture développe un ethosdu philosophe. Ma communication tentera de mettre en valeur la part de la monstration dans la démonstration philosophique à travers divers textes, aussi bien des textes doctrinaux que des textes plus contemporains destinés à un public large. Il s'agira de mettre en valeur le caractère résolument pluriel des formes expressives de la philosophie et de montrer comment celle-ci se trouve d'une certaine manière "résolue" grâce à la scène énonciative associée à ce que l'on pourrait appeler la "parole philosophique".
- Cossutta, Frédéric. 1995. "L'analyse du discours philosophique". Langages 119, 12–39.
- Maingueneau, Doninique/Cossutta, Frédéric.1995. "L'analyse des discours constituants". Langages 117, 112–125.
- Temmar, Malika, 2013. Le Recours à la fiction dans le discours philosophique: Descartes, Condillac, Merleau-Ponty. Limoges: Lambert-Lucas.
7. Communication multimodale – sur l'interdépendance des modalités de signes dans l'espace analogique et numérique
Les formes de communication multimodales sont devenues la norme dans la plupart des domaines de la vie sociale. Bien que la communication en face à face ou la communication de masse classique (journaux, films, radio, télévision) présentent déjà l’interaction de différentes modalités de signes et leur interdépendance correspondante, cela devient encore plus visible dans la communication numérique médiatisée (médias sociaux). Les réalités virtuelles laissent ainsi entrevoir les espaces de communication du futur, auxquels les modèles de description existants ne rendent pas encore justice.
La multimodalité offre un potentiel particulier pour les discours visant à convaincre l’autre (par ex. discours politique ou publicitaire). Dans leur communication via les médias numériques, les acteurs concernés exploitent les possibilités d’imbrication des différentes modalités, parfois de manière ciblée, dans le sens de leurs propres intérêts de communication. L’interaction entre les modalités, l’utilisation d’images ou de musique ouvrent également des possibilités d’émotion, de mise en scène, de rupture de tabou, que la communication purement verbale ne peut atteindre que de manière limitée. Dans de nombreux cas, l’intégration des modalités de signes permet d’accentuer le message, d’évoquer des cadres différents; inversement, dans le cas d’un élément figuratif, une composante linguistique parallèle peut servir à l’interprétation, etc. Cette interdépendance est particulièrement évidente dans les cas où le message de la communication, par exemple dans les annonces publicitaires, ne peut être saisi qu’à travers la relation concrète texte-image.
La section a pour objectif d’analyser, outre la discussion de modèles d’analyse sémantico-sémiotiques, les liens sémantiques et fonctionnels ainsi que les interactions entre les modalités dans différentes formes, espaces et types de textes de communication francophones, en mettant l’accent sur les discours à caractère persuasif et en tenant compte de la spécificité des formats médiatiques utilisés. Les champs thématiques sont par exemple la communication des marques, le discours politique et environnemental ou encore la multimodalité comme moyen de participation ou d’exclusion.
Les objets d’étude possibles peuvent être les suivants:
- l’étude de différents types d’interaction entre les modalités (par ex. complémentaires, contradictoires, redondantes)
- l’étude de la spécificité des médias (cf. par ex. la langue écrite, le discours, les gestes) en tenant compte de leur fonctionnement respectif dans un contexte multimodal
- les types de cohésion lexicale et grammaticale dans les discours multimodaux
- l’utilisation de différentes modalités pour la transmission de contenus politiques par exemple (voir la mise en scène via des vidéos dans les médias sociaux en contraste avec la transmission d’informations via les médias de masse classiques)
- l’étude de types de textes et de formes de communication multimodaux pertinents, mais aussi nouvellement apparus (par ex. bande dessinée, graphic novel, annonce publicitaire, clip musical)
- la prise en compte des variétés les plus diverses (par ex. langue spécialisée, langue quotidienne) et des situations de communication (par ex. face-à-face, quasi-synchrone, asynchrone)
- la question du degré de conventionnalité ou de créativité de l’interaction multimodale
- l’étude du contexte pour le décodage de communications multimodales (par ex. la nécessité de connaissances contextuelles actuelles pour l’interprétation correcte de caricatures politiques)
- la confrontation des caractéristiques culturelles spécifiques.
Le travail commun de la section a pour but de contribuer au développement de la discussion théorique et de fournir des informations sur les caractéristiques et l’importance des formes de communication multimodales par le traitement d’études à perspectives différentes.
Bibliographie
- Bateman, Johnet al. (eds.). 2017. Multimodality. Foundations, Research and Analysis – A Problem-Oriented Introduction.Berlin/Boston: De Gruyter.
- Blasch, Lisaet al. (eds.). 2018. Schneller, bunter, leichter? Kommunikationsstile im medialen Wandel. Innsbruck: Innsbrucker Universitätsverlag.
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- Cosenza, Giovanna.2018. Semiotica e comunicazione politica. Roma/Bari: Laterza.
- De Rosa, Roberto. 2015. Partecipazione politica e nuovi media. Roma: Nuova cultura.
- Diekmannshenke, Hajoet al. (eds.). 2011. Bildlinguistik. Theorien –Methoden – Fallbeispiele. Berlin: Erich Schmidt.
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- Fricke, Ellen. 2012. Grammatik multimodal. Wie Wörter und Gesten zusammenwirken. Berlin/Boston: De Gruyter.
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- Ziem, Alexander. 2008b. Frames und sprachliches Wissen. Kognitive Aspekte der semantischen Kompetenz. Berlin/New York: De Gruyter.
25 septembre
9.00–9.30 | Begrüßung/Introduction |
9.30–10.30 | What steers the interpretation of a visual or multimodal message? A relevance theory perspective (Charles Forceville) |
Kaffeepause – Pause café | |
11.00–11.30 | Zur Metaphorik in politischen Cartoons zwischen Mono- und Multimodalität – Macron und die Corona-Krise (Sabine Heinemann) |
11.30–12.00 | "Mais je comprends pas la référence". Zu Problemen der kognitiven Verarbeitung und Kontextualisierung beim Verstehen politischer Karikaturen (Jochen Hafner, Johanna Wolf) |
12.00–12.30 | Die Darstellung historischer Schlüsselereignisse in der Histoire de France en bandes dessinées.Die Selektion von Handlungs-frames und das Zusammenspiel von Text- und Bildelementen aus kommunikationstheoretischer Perspektive vor dem Hintergrund einer didaktischen Zielsetzung (Roger Schöntag) |
Mittagspause – Pause déjeuner | |
16.00–16.30 | "La terre est plate" ‒ funktionale Bild-Text-Interdependenzen politischer Twitter-Kommunikation französischer Rechtspopulisten (Robert Hesselbach) |
16.30–17.00 | Multimodalität in Umweltdiskursen: Klimawandel und die Diskussion über Fleischproduktion und -konsum (Judith Visser) |
17.00–17.30 | Funktionen der Multimodalität (in) der französischen Mitarbeiterzeitung – damals und heute (Sara Matrisciano-Mayerhofer) |
26 septembre
9.00–10.00 | Analyse multimodale du discours: enjeux méthodologiques actuels (Manon Lelandais) |
10.00–10.30 | Komplexe Themen visuell entschlüsselt – Eine multimodale Perspektive auf Infografiken im Wissenstransfer zwischen Experten und Laien (Anna Spielvogel) |
Kaffeepause – Pause café | |
11.00–11.30 | Made in France: Zur Multimodalität der Herkunftsangabe in der französischen Werbekommunikation (Antje Lobin) |
11.30–12.00 | "La Dodo lé là": Kreolsprachliche Elemente und ihre persuasive Wirkung im multimodalen und mehrsprachigen Werbediskurs von La Réunion (Judith Kittler) |
12.00–12.30 | Multimodale Darstellungsformen von Zeit und Raum in der Tourismuskommunikation (Monika Messner) |
Mittagspause – Pause déjeuner | |
16.00–16.30 | Vorstellung der neuen Manuals of Romance Linguistics |
16.30–17.00 | Vin d'honneur |
27 septembre
9.30–10.00 | Advershots – eine bildliche Variante des Advertainments(Johannes Müller-Lancé) |
10.00–10.30 | Représentation de la Guerilla Gardeningdans les médias sociaux – une comparaison franco-allemande sur Instagram et X (Nadine Rentel, Dominique Dias) |
Kaffeepause – Pause café | |
11.00–11.30 | Trauer um Mensch und Tier – Kommunikative Funktionen von Emojis auf virtuellen Gedenkstätten (Larissa Mara Werle) |
11.30–12.00 | Zielgruppenorientierte Veränderungen synsemiotischer Bezüge im multimodalen Gefüge (Marco Agnetta) |
12.00–12.30 | Abschluss und Bilanz |
Marco Agnetta (Innsbruck)
Modifications des relations synsémiotiques dans la structure multimodale en fonction des groupes cibles
Une communication multimodale résulte le plus souvent d'une collaboration synchrone ou asynchrone entre différents acteurs: un opéra baroque, par exemple, est l'œuvre d'un poète qui fournit un livret à un compositeur qui le met en musique pour un impresario, qui, de son côté, emploie des artistes-interprètes chanteurs et danseurs, des instrumentistes, etc. qui, finalement, transmettent l'œuvre au public. Il en va de même pour les productions cinématographiques, les clips publicitaires, les bandes dessinées et autres genres de communication multimodaux. L'artefact multimodal représente un ensemble supra-sommatif qui ne se limite pas à la simple coexistence des moyens de communication, mais qui naît justement de leur synergie. Nous préférons appeler ces liens dans la structure multimodale, en référence à Bühler, des relations 'synsémiotiques'. La contribution se concentrera sur la question de savoir ce qu'il advient d'une structure multimodale lorsque ses parties sont modifiées, supprimées ou complétées pour un groupe de destinataires spécifique, par exemple pour les personnes dont les besoins particuliers exigent d'accéder facilement à l'information. On assiste ici à l'émergence d'un artefact multimodal dont le matériel déjà existant est conçu et réarrangé pour s'adapter au groupe cible. Des exemples tirés du domaine de la traduction de libretti et de l'audiodescription pour les personnes aveugles et malvoyantes permettront d'illustrer ces opérations.
- Agnetta, Marco. 2019. Ästhetische Polysemiotizität und Translation. Glucks Orfeo ed Euridice (1762) im interkulturellen Transfer. Hildesheim et al.: Olms.
- Bühler, Karl. 1982 [1934]. Sprachtheorie. Die Darstellungsfunktion der Sprache. Jena: Fischer.
- Taylor, Christopher/Perego, Elisa (eds.). 2022. The Routledge Handbook of Audio Description. London/New York: Routledge.
Charles Forceville (Amsterdam)
Qu'est-ce qui oriente l'interprétation d'un message visuel ou multimodal? Une perspective de la théorie de la pertinence
Les études sur la multimodalité et la sémiotique ont besoin d'un modèle de communication inclusif qui prenne en compte l'identité du communicateur, du public, ainsi que leur relation, et qui ne privilégie pas des médias et/ou des modes spécifiques par rapport aux autres. Les contours d'un tel modèle existent dans la théorie de la pertinence (Sperber/Wilson 1995), dont l'affirmation centrale est que chaque acte de communication est accompagné par la présomption d'une pertinence optimale pour le public envisagé. A l'inverse, le publique envisagé attend que chaque acte de communication qui lui est adressé soit d'une pertinence optimale. Jusqu'à présent, les chercheurs en RT (généralement des linguistes) ont analysé presque exclusivement des échanges en face à face. Pour exploiter le potentiel de la RT à devenir une théorie inclusive de la communication, il est nécessaire d'explorer comment elle peut être adaptée et affinée afin de prendre en compte (i) les messages dans d'autres modes que (uniquement) le mode verbal; et (ii) la communication de masse. Dans Forceville (2020), j'explique comment RT fonctionne pour les messages de communication de masse impliquant des visuels statiques. Dans ma présentation, je me concentrerai spécifiquement sur la manière dont RT aborde la question clé de savoir quels facteurs ont un impact sur l'interprétation d'une image ou d'un message multimodal, en m'appuyant sur la discussion d'exemples de différents genres (logos et pictogrammes, publicités et dessins animés)
- Forceville, Charles. 2020. Visual and Multimodal Communication: Applying the Relevance Principle. New York: Oxford University Press.
- Sperber, Dan/Wilson, Deirdre. 21995. Relevance: Communication and Cognition. Oxford: Blackwell Publishing.
Jochen Hafner, Johanna Wolf (München)
"Mais je comprends pas la référence". Problèmes de traitement cognitif et de contextualisation lors de la compréhension de caricatures politiques
Les caricatures peuvent être décrites comme de petites formes de textes (journalistiques) (Berdychowska/Liedtke 2020) qui se servent surtout des moyens linguistiques de la condensation et du multicodage (Lenk 2012). L'interaction entre le niveau de l'image et celui de la langue au sein de la communication multimodale peut poser des problèmes aux destinataires lors du traitement cognitif, d'autant plus qu'il s'agit de faire appel à des structures de connaissances pertinentes et appropriées. Les caricatures politiques exigent de profondes connaissances épistémiques et discursives afin d'établir des liens entre le contenu et le récepteur. Les locuteurs de L2 en particulier doivent disposer d'une compétence interculturelle élevée afin de pouvoir résoudre et interpréter les attributions spécifiques à la culture et, bien sûr, pour identifier les contrastes culturels. La conférence veut donc éclaircir quels éléments (linguistiques et visuels) peuvent favoriser ou freiner le traitement cognitif et donc la compréhension des caricatures politiques. Afin de mieux comprendre les processus de traitement des caricatures politiques, 36 participant.e.s ont passé un test d'association avec différentes caricatures relatives à l'amitié franco-allemande. De plus, tou.te.s les participant.e.s ont verbalisé leur interprétation à l'aide d'un protocole think-aloud. Les caricatures datent de différentes époques (1983; 2001; 2022) afin de pouvoir vérifier un éventuel facteur temporel.
- Berdychowska, Zofia/Liedtke, Frank (eds.). 2020. Prägnante Kürze und mehr. Kurztexte und multimodale Kurzformen im öffentlichen Raum. Berlin: Lang.
- Hargaßner, Julia. 2020. "Humor als Ausdruck gesellschaftlicher und demokratischer Normen und Werte: Humor im demokratiebildenden Fremdsprachenunterricht". In: Heinrich Ammerer et al. (eds.). Demokratie lernen in der Schule: Politische Bildung als Aufgabe für alle Unterrichtsfächer. Münster: Waxmann, 131–145.
- Lenk, Hartmut. 2012. "Politische Karikaturen in deutschen, englischen und finnischen Tageszeitungen. Vorkommen – Themen – Sprache und Bild".In: Christian Grösslinger et al. (eds.). Pressetextsorten jenseits der "News": Medienlinguistische Perspektiven auf journalistische Kreativität. Frankfurt am Main et al.: Lang, 65–81.
Sabine Heinemann (Graz)
Sur la métaphore dans les caricatures politiques entre mono et multimodalité –
Macron et la crise de Corona
Les métaphores peuvent être comprises comme des processus de projection mentaux (mappings) basés sur la similarité entre des concepts indépendants les uns des autres; de nouveaux composants de signification (blends) sont souvent générés sur la base de connaissances encyclopédiques (cf. par ex. Turner 2008). Les métaphores sont très répandues dans les types de textes journalistiques, dans les caricatures politiques, elles sont souvent mises en œuvre de manière multimodale (cf. en général Forceville 2009). Dans de nombreuses caricatures, une représentation au moins partielle du domaine source et du domaine cible dans les différentes modalités semble être fondamentale (El Refaie 2009). Même dans le cas d'un parallèle entre métaphore linguistique et métaphore visuelle, il est plutôt rare qu'il y ait redondance, c'est-à-dire qu'il n'y a qu'exceptionnellement une double transposition monomodale d'une métaphore; dans de nombreux cas, une mise en relation des informations représentées dans les différentes modalités est nécessaire pour une interprétation correcte de l'ensemble. En conséquence, la frontière entre les métaphores monomodales et multimodales peut être située sur un continuum. En ce qui concerne la pandémie de Corona et son traitement dans la presse française, l'exposé se penchera d'abord sur les métaphores verbales utilisées en 2020 dans les comptes rendus de presse, pour analyser ensuite leur transposition dans les caricatures politiques. Le concept de continuum entre métaphores mono et multimodales sera ensuite spécifié à l'aide d'exemples choisis.
- El Refaie, Elisabeth. 2009. "Metaphor in political cartoons: Exploring audience responses". In: Charles J. Forceville/Eduardo Urios-Aparisi (eds.). Multimodal Metaphor. Berlin/New York: De Gruyter, 173–196.
- Forceville, Charles J. 2009. "Non-verbal and multimodal metaphor in a cognitivist framework: Agendas for research". In: Charles J Forceville/Eduardo Urios-Aparisi (eds.). Multimodal Metaphor. Berlin/New York: De Gruyter, 19–42.
- Turner, Mark. 2008. "Frame Blending". In: Rema Rossini Favretti (ed.). Frames, Corpora, and Knowledge Representation. Bologna: Bononia University Press, 13–32.
Robert Hesselbach (Erlangen-Nürnberg)
"La terre est plate" ‒ Interdépendances fonctionnelles image-texte dans la communication politique sur Twitter des populistes de droite français
Des publications récentes témoignent de l'intérêt accru pour les relations image-texte dans les médias sociaux en ce qui concerne les discours politiques (cf. par ex. Kanter et al. 2021, Mencke 2018). Dans cette communication, une sélection de tweets de populistes français de droite sera analysée en fonction des interdépendances image-texte et de leur fonction respective. La citation mentionnée dans le titre de la communication représente par exemple le texte complet d'un tweet d'Eric Zemmour, dont la véracité doit être logiquement remise en question. Le tweet ne prend toutefois sa pleine illocution qu'avec le texte d'un groupe d'activistes nommé collages_feministes_besancon [sic] représenté dans l'image correspondante: on peut y lire LE SEXE BIOLOGIQUE N'EXISTE PAS. Zemmour utilise donc la possibilité de l'imbrication multimodale image-texte qu'offrent les réseaux sociaux pour montrer au destinataire le lien direct entre les deux propositions: si la proposition 1 (la terre est plate) est fausse, alors la proposition 2 (le sexe biologique n'existe pas) est bien que fausse ou doit être fausse. En ce sens, il ne se positionne pas seulement comme un populiste de droite pour qui l'existence des sexes biologiques ne peut pas être niée, mais tente en même temps de discréditer publiquement les partisans d'un tel mouvement et leurs idées. En comparant des tweets de Le Pen et de Zemmour, nous montrerons que cette manière spécifique aux médias peut être comprise comme un modèle de communication du discours populiste sur les réseaux sociaux.
- Kanter, Heike et al. 2021. Bilder, soziale Medien und das Politische – Transdisziplinäre Perspektiven auf visuelle Diskursprozesse. Bielefeld: transcript.
- Mencke, Johanna. 2018. "Multimodalität als strategisches Framing – die mediale Selbstinszenierung von Marion Maréchal-Le Pen (FN) in den sozialen Netzwerken". promptus – Würzburger Beiträge zur Romanistik 4, 93–134.
Judith Kittler (Bochum)
"La Dodo lé là": les éléments créolophones et leur effet persuasif dans le discours publicitaire multimodal et plurilingue de La Réunion
La présentation examinera l'utilisation d'éléments créolophones et leur effet persuasif dans le discours publicitaire multimodal et multilingue de La Réunion. A travers l'analyse de publicités et d'autres matériaux publicitaires, les stratégies linguistiques et visuelles qui contribuent à l'identité et à la diversité culturelles de l'île seront examinées. L'accent est mis sur le rôle du créole en tant que caractéristique culturelle importante et sur son utilisation dans le contexte de l'environnement multiculturel et multilingue de La Réunion, entre le français et le créole. Les résultats offrent un aperçu de la dynamique complexe entre la langue, la culture et la publicité. Le slogan très réussi "La Dodo lé là" de la brasserie locale Bourbon constitue ici le point de départ d'autres études concernant la conception linguistique de la publicité multimodale à La Réunion. Les analyses porteront en particulier sur les niveaux phonético-phonologiques, morphologiques et lexicaux du matériel publicitaire créole et français, ainsi que sur les matériaux bilingues.
- Lebon-Eyquem, Mylène. 2008. "La dodo lé la: Stylistique du <mélange> à la Réunion: à la recherche de l'efficacité pragmatique endogène". In: Claudine Bavoux et al. (eds.) Normes endogènes et plurilinguisme. Aires francophones, aires créoles. Lyon: ENS.
- Leroy, Julie/Cléret, Baptiste/Boyer, Michel. 2018. "Dodo Lé Là: how consumers promote a local iconic brand in postcolonial creole culture". Journal of marketing management 34/5–6, 538–538.
- Picard, David. 2010. "'Being a model for the world': performing Creoleness in La Réunion". Social anthropology 18/3, 302–315.
Manon Lelandais (Paris)
Analyse multimodale du discours : enjeux méthodologiques actuels
Le but de cette communication est de faire le point sur les différents enjeux méthodologiques actuels dans l'analyse de la parole et de la gestualité en linguistique, à travers l'exemple de plusieurs de mes travaux. Les données audiovisuelles deviennent de moins en moins difficiles à acquérir et à traiter, car de nombreux outils permettent désormais d'automatiser certains processus. J'évoquerai les raisons pour lesquelles ces données et ces outils représentent une richesse considérable pour l'analyse du discours. Je ferai référence à deux groupes d'études réalisées sur des formats discursifs différents. Premièrement, une série d'études observationnelles portant sur l'utilisation d'indices de frontière pour signaler les parenthétiques et les relatives appositives en conversation spontanée (cf. par ex. Lelandais 2020). Deuxièmement, une étude en cours sur la manière dont les locuteurs combinent différentes ressources verbales et gestuelles pour exprimer des valeurs aspectuelles (Lelandais soumis), dans des interviews TV semi-scriptées et des journaux TV scriptés. L'objectif de ce projet est de mettre en évidence la façon dont les composantes gestuelles s'intègrent et participent à l'expression du sens grammatical et pragmatique dans le discours. J'évoquerai ensuite quelques perspectives en lien avec ces travaux.
- Lelandais, Manon. Soumis. "Multimodal marks of iteration in discourse".
- Lelandais, Manon. 2020. "Modelling the interpretative impact of subordinate constructions in spontaneous conversation". CORELA. Cognition, Représentation, Langage 18/2, https://doi.org/10.4000/corela.12827.
Antje Lobin (Mainz)
Made in France: La multimodalité du marquage d'origine dans la communication publicitaire
Parmi les dix-sept objectifs de développement durable formulés par les Nations Unies figure l'établissement de modes de consommation et de production durables et responsables. Dans ce sens, un sondage représentatif réalisé en 2020 par la Fédération Indépendante du Made in France (www.fimif.fr) en partenariat avec l'institut de sondage IPSOS a montré que 95% des Françaises et des Français souhaitent que l'origine géographique soit indiquée sur tous les produits. Une telle orientation vers l'origine des produits a également des répercussions sur la communication publicitaire proprement persuasive. Les textes publicitaires au sens large du terme, en tant qu'unités de communication complexes, sont particulièrement caractérisées par l'imbrication de différents systèmes sémiotiques (Klug/Stöckl 2015; Stöckl 2012). Outre les éléments visuels qui renvoient à la France de manière iconique ou symbolique (par ex. le drapeau tricolore ou le coq gaulois), la référence au pays d'origine est également mise en évidence par l'iconisation de caractères (Spitzmüller 2016). Le projet vise à mettre en lumière, à l'aide de différents formats publicitaires, les mécanismes multimodaux du marquage d'origine en tant que signal de qualité et argument de vente et à contribuer ainsi à son fondement sémiotique. Les données seront collectées via des magazines grand public, l'Institut National de la Propriété Industrielle et des recherches sur Internet.
- Klug, Nina-Maria/Stöckl, Hartmut. 2015. "Sprache im multimodalen Kontext". In: Ekkehard Felder/Andreas Gardt (eds.). Handbuch Sprache und Wissen. Berlin/Boston: De Gruyter, 242–264.
- Spitzmüller, Jürgen. 2016. "Typographie – Sprache als Schriftbild". In: Nina-Maria Klug/Hartmut Stöckl (eds.). Handbuch Sprache im multimodalen Kontext. Berlin/New York: De Gruyter, 99–120.
- Stöckl, Hartmut. 2012. "Werbekommunikation semiotisch". In: Nina Janich (ed.). Handbuch Werbekommunikation. Sprachwissenschaftliche und interdisziplinäre Zugänge. Tübingen: Narr Francke Attempto, 243–262.
Sara Matrisciano-Mayerhofer (Bochum)
La multimodalité dans le journal d'entreprise en France – hier et aujourd'hui
Le journal d'entreprise est un canal de communication des RP internes (Bischl 2000, 14s.). Pour cela, il est caractérisé par une position hybride entre média d'information, de divertissement et de persuasion qui engendre une polyfonctionnalité particulière. Ce qui, par conséquent, exige que la communication passe par un équilibrage permanent de ses fonctions parfois contradictoires et de leurs effets. La multimodalité se révèle fondamentale pour cet équilibrage communicatif, car le journal d'entreprise se caractérise non seulement par des ressources sémiotiques verbales et non-verbales, mais également par des ressources paraverbales qui, dans leur ensemble, construisent la signification d'un texte. En visant à un effet persuasif, c'est-à-dire pour former l'opinion dans le sens de l'entreprise, le message général est transmis par des liens sémantiques et intersémiotiques habilement conçus. Dans la présentation prévue, il s'agira d'analyser, en tenant compte de tous les éléments constitutifs de la signification, le développement de la multimodalité dans le journal d'entreprise de Peugeot, un des premiers journaux d'entreprise en France, publié en version imprimée de 1918 à 2010, en prenant l'exemple du type de texte Éditorial. Afin de montrer les fonctions de l'interaction des modalités visuelles et verbales au cours de cette longue période de publication, des exemples représentatifs parvenant d'un corpus composé de 381 numéros du journal d'entreprise de Peugeot seront présentés.
- Bischl, Katrin. 2000. Die Mitarbeiterzeitung: Kommunikative Strategien der positiven Selbstdarstellung von Unternehmen. Wiesbaden: Westdeutscher Verlag.
Monika Messner (Innsbruck)
Formes de représentation multimodale du temps et de l'espace dans la communication touristique
La contribution se penche sur la codification discursive du temps et de l'espace dans la communication touristique. La temporalité et la spatialité constituent la base de toute vision humaine du monde, elles déterminent la pensée et l'action sous forme de structures, de dimensions et de relations s'entremêlant les unes avec les autres. Dans les textes, on assiste à des références explicites et implicites, qui représentent des éléments de discours communicatifs concrets et relationnels. Le temps et l'espace apparaissent comme des phénomènes de performance porteurs de sens, indispensables pour saisir la signification et la fonction des textes dans les lieux publics. Dans ce contexte, la proximité et la distance sont les catégories de référence. Au niveau du temps, les concepts temporels, les références temporelles, le déroulement du temps et le lien au temps jouent un rôle (cf. par ex. Messner 2023). Dans les textes touristiques, l'expérience de l'espace et du temps est un point central. La présente contribution examine comment la temporalité et la spatialité sont codées discursivement dans la communication touristique. Le corpus est constitué de textes touristiques français au format imprimé et en ligne pour différentes destinations. L'analyse se concentre aussi bien sur les moyens linguistiques que sur les codes visuels et icono-/typographiques. La question centrale est de savoir si et comment il est possible d'établir les différents niveaux de temps et d'espace dans la communication – temps/espace réel, temps/espace discuté, temps/espace fictif – de manière significative et de les transmettre de manière compréhensible.
- Domke, Christine. 2013. "Ortsgebundenheit als distinktives Merkmal in der Textanalyse". Zeitschrift für germanistische Linguistik 41/1, 102–126.
- Haßler, Gerda. 2016. Temporalität, Aspektualität und Modalität in romanischen Sprachen. Berlin/Boston: De Gruyter.
- Messner, Monika. 2023. "Zwischen Alltagszeit und Urlaubszeit, zwischen Imagination und Zurückerinnern – Zeitlichkeit in der Destinationswerbung". In: Steffen Pappert/Kersten Sven Roth (eds.). Zeitlichkeit in der Textkommunikation. Tübingen: Narr Francke Attempto, 111–144.
Johannes Müller-Lancé (Mannheim)
Advershots – une variante imagée de l'advertainment
Peu de produits de presse dépendent financièrement autant des annonces publicitaires que les magazines d'intérêt particulier – cela vaut pour les magazines de beauté, de technique et de sport (cf. Müller-Lancé 2016). Par conséquent, les types de textes les plus divers se sont développés entre la rédaction et la publicité, qui ont tous pour but de stimuler la consommation d'équipements. D'un point de vue multimodal, on remarque ici des annonces publicitaires qui, à l'exception d'un petit élément linguistique, typiquement un logo de marque, ne sont pas reconnaissables en tant que publicité, mais qui font penser à des pages d'images complètes purement divertissantes, telles qu'elles sont à l'ordre du jour dans ces magazines sous forme de galeries de photos (par ex. "Hot Shots") – évidemment un cas d'advertainment (cf. Nielsen 2007). L'intervention présentera des variantes de ces advershots à l'exemple de magazines allemands et français de sports de glisse (planche à voile, surf, snowboard, etc.) et se demandera dans quelle mesure cette technique publicitaire est également utilisée dans les médias numériques, dans le sens d'une tradition de discours multimodale (cf. Müller-Lancé 2023).
- Müller-Lancé, Johannes. 2016. Trendsportmagazine in Deutschland und Frankreich. Eine medienlinguistische Analyse. Landau: VEP.
- Müller-Lancé, Johannes. 2023. "Discourse traditions, multimodality and media studies". In: Esme Winter-Froemel/Álvaro S. Octavio de Toledo y Huerta (eds.). Manual of discourse traditions in Romance. Berlin: De Gruyter, 767–779.
- Nielsen, Martin. 2007. "Die -tainment-Welle: unaufhaltsame Unterhaltung? Aspekte des Advertainment in der Informationsgesellschaft". In: Michael Klemm/Eva-Maria Jakobs (eds.). Das Vergnügen in und an den Medien. Frankfurt am Main. et al.: Lang, 67–84.
Nadine Rentel (Zwickau), Dominique Dias (Paris)
'Représentation de la Guerilla Gardening dans les médias sociaux – une comparaison franco-allemande sur Instagram et X
Le phénomène de la guérilla gardening, né à New York dans les années 1970, se propage actuellement dans le monde entier. Ce groupe de personnes utilise des moyens plutôt non conventionnels pour promouvoir la protection du climat. Dans un esprit de (re)végétalisation de l'espace urbain, les représentants de ce mouvement dit de guérilla verte plantent des végétaux à différents endroits du paysage urbain et sans autorisation officielle (Von der Haide et al. 2011). Outre ces actions concrètes de plantation dans l'espace public, les militants présentent leurs actions sur les réseaux sociaux afin d'augmenter la portée de leur combat et convaincre le grand public d'adhérer à leur cause. Dans une perspective contrastive, la présente proposition de communication examine la question de savoir quelles stratégies linguistiques et multimodales les représentants de la guérilla verte utilisent pour promouvoir leurs activités sur les réseaux sociaux. À cette fin, nous analyserons un corpus en allemand et en français sur Instagram et X. En plus de l'analyse des contrastes linguistiques et culturels, un niveau de comparaison supplémentaire centré sur les caractéristiques des médias utilisés est pris en considération. Méthodologiquement, l'étude s'appuie sur l'analyse de discours multimodale et contrastive (Meier 2011), qui permet de décrire de façon systématique la représentation de soi des utilisateurs ainsi que les particularités médiatiques du discours climatique (Tereick 2016).
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- Tereick, Jana. 2016. Klimawandel im Diskurs. Multimodale Diskursanalyse crossmedialer Korpora. Berlin/Boston: De Gruyter.
- Von der Haide, Ella et al.. 2011. "Guerilla Gardening und andere politische Gartenbewegungen. Eine globale Perspektive". In: Christa Müller (ed.). Urban Gardening. Über die Rückkehr der Gärten in der Stadt. München: oekom, 266–278.
Roger Schöntag (Mannheim)
La présentation des principaux évènements historiques dans L'Histoire de France en bandes dessinées. La sélection des frames et la coordination des éléments d'image et des éléments textuelles dans la perspective de la théorie de la communication et au fond d'un but didactique
L'Histoire de France en bandes dessinées (HFBD) (Paris: Larousse 1979-1980) est une adaption B.D. concernant l'histoire complète. Le volume est divisé en huit tomes, qui se composent d'épisodes différentes (p. ex. Philippe le bel, le roi de fer). Il est pris en considération des événements historiques digne d'attention, qui sont plus ou moins poétisés pour des fins didactiques, en tant que des faits historiques valides alternent avec des dialogues inventés qui doivent illustrer les événements singuliers. Pourtant il est possible de discerner la représentation en images avec le texte en bulle (ou isolé) et les cartes géographiques. Le texte en tant que tel peut être divisé fonctionnellement en parties de texte, qui servent d'introduction (longueur : env. une page), des explications à propos des vignettes (souvent en forme carré) et puis des bulles typiques, qui normalement représentent les dialogues des personnages. Le but de cette recherche serait d'analyser le concept de cette adaption de bandes dessinées en discutant la sélection des événements historiques dans le cadre didactique et les récipients visés de cette Histoire de France. En plus il se faut demander quelle image historique et traditionnelle est transmis par les frames et les scripts choisis et comment fonctionne la cohabitation des illustrations et du texte au niveau de la communication générale dans ce genre de texte.
- Grünewald, Dietrich. 2000. Comics. Tübingen: Niemeyer.
- Grutschus, Anke/Kern, Beate. 2021. "L'oralité mise en scène dans la bande dessinée: marques phonologiques et (morpho)syntaxiques dans Astérix et Titeuf". Journal of French Language Studies 31/2, 192–215.
- Müller, Marcus. 2012. "Halt's Maul Averell! – Die Inszenierung multimodaler Interaktion im Comic". In: Daniela Pietrini (ed.), Die Sprache(n) der Comics. Kolloquium in Heidelberg, 16.–17. Juni 2009. München: Meidenbauer, 75–89.
Anna Spielvogel (Göttingen)
Décryptage visuel des sujets complexes. Une perspective multimodale sur les infographies dans le transfert de connaissances entre experts et profanes
Dans le processus de transfert de connaissances entre experts et profanes, il est de plus en plus souvent utilisé des infographies qui, grâce à l'interaction des différentes modalités, sont adaptées à l'optimisation de la transmission d'informations et traduisent visuellement et textuellement pour le profane les connaissances disponibles dans le langage spécialisé. Á l'aide d'infographies sur la communication du changement climatique de l'Institut National des Sciences de l'Univers (INSU), le présent article explique comment sont réalisées les relations intermodales utilisées dans la vulgarisation de sujets scientifiques complexes. Alors que la reconfiguration du savoir, qui réduit la complexité, s'effectue par la macrostructure, la structuration hiérarchique des informations est réalisée par les éléments typographiques et du schéma de couleurs. Les différentes sections des infographies présentent, en ce qui concerne leur structure d'action et thématique, une "matrice spécifique de sections fonctionnelles" (Stöckl 2016, 26) ainsi qu'un déploiement thématique explicatif avec des éléments narratifs et argumentatifs. Pour illustrer les connaissances spécialisées complexes, le mode textuel et le mode visuel se complètent: alors que dans le traitement de la terminologie spécialisée, on a surtout recours à différentes techniques d'explicitation verbale, le mode visuel fait appel à des méthodes d'illustration non verbales telles que des illustrations, des images logiques, des représentations schématiques et des analogies figuratives. Ce sont surtout les éléments visuels, en tant qu'objets porteurs du savoir représenté, qui dominent hiérarchiquement et qui contribuent de manière déterminante à créer un langage universel et facilement accessible, permettant de transmettre des contenus complexes d'une manière qui soit à la fois attrayante, informative et compréhensible pour un large public.
- Stöckl, Hartmut. 2016. "Multimodalität. Semiotische und textlinguistische Grundlagen." In: Nina-Maria Klug/Hartmut Stöckl (eds.). Handbuch Sprache im multimodalen Kontext. Berlin u.a.: De Gruyter, 3–35.
Judith Visser(Bochum)
Multimodalité dans le discours écologique: Changement climatique et la discussion sur la production et la consommation de viande
En vue du changement climatique et de la biodiversité menacée, l'industrie de la viande est sous pression. Elle est confrontée à la nécessité de repenser ses processus et produits en fonction de leur impact sur l'environnement et d'adapter sa communication externe à l'évolution des comportements d'achat et de consommation. Une image de durabilité et d'engagement en faveur du bien-être animal semble essentielle. Selon Meer (2023, 216, ma traduction), il n'existe "aucun problème dans le domaine de la durabilité […] qui ne soit (aussi) constitué, négocié ou discuté de manière communicative". Cette communication s'effectue à l'aide d'éléments à la fois linguistiques et visuels (ibid.) – ces derniers peuvent être des images concrètes et linguistiques, c'est-à-dire des métaphores (cf. par exemple Döring et al. 2023). Les études du domaine de l'écolinguistique mettent traditionnellement l'accent sur les métaphores. Les analyses d'images visuelles sont plus rares (cf. Hansen 2018). Cela s'applique encore plus aux travaux sur l'interaction des modalités. Compte tenu de l'omniprésence du thème du développement durable dans une grande variété de médias, l'état actuel de la recherche ne correspond que sélectivement àl'utilisation réelle de la multimodalité dans le discours environnemental. La contribution se penche sur l'exemple de la communication numérique sous le label la-viande.fr. L'objectif est d'étudier le jeu des modalités utilisées pour parler de biodiversité et de durabilité, en particulier dans des contextes dans lesquels l'accent est mis à la fois sur l'image positive de l'entreprise et la persuasion des consommateurs.
- Döring, Martin et al. (eds.). 2023. Narrative und Metaphern zur Nachhaltigkeit. New York: Routledge.
- Hansen, Anders. 2018. "Using Visual Images to Show Environmental Problems". In: Alwin Fil/Hermine Penz (eds.). The Routledge handbook of ecolinguistics. New York/London: Routledge, 179–195.
- Meer, Dorothee. 2023. "GRÜN-OHR HASE – Green Clean – KLIMAPOSITIV – Metaphern und Narrative der Nachhaltigkeit in der Lebensmittelwerbung auf Instagram". metaphorik.de 33, 211–249.
Larissa Mara Werle (Kassel)
Deuil pour l'homme et l'animal. Fonctions communicatives des émojis sur les mémoriaux virtuels
Les mémoriaux numériques représentent une possibilité de deuil pour l'homme et l'animal de compagnie (Offerhaus 2016). Ils complètent les procédures et rituels traditionnels en cas de décès humain, tandis qu'ils créent souvent une occasion unique de surmonter la perte d'un animal de compagnie considérée comme socialement insignifiante (Doka 1999). Dans le contexte de ce statut différent, nous proposons de mener une étude contrastive, en nous servant avant tout des méthodes de linguistique textuelle tout en tenant compte de la dimension multimodale des données. L'objectif principale de l'étude est de mettre en évidence les différences et similitudes manifestées au niveau linguistique entre la relation homme-animal et homme-homme à l'exemple des textes sépulcraux numériques. L'examen du matériel textuel révèle que les émojis jouent un rôle globalement plus important dans les mémoriaux numériques pour les animaux de compagnie. Les signes visuels apparaissent avec ou sans texte, seuls ou sous forme itérative, leur inventaire étant relativement limité sur l'ensemble du corpus. Selon Pappert (2017), il est possible d'attribuer aux émojis une fonction de création de relation ou de représentation, en fonction du contexte de communication. Dans ce dernier cas, les signes visuels se rattachent en même temps à des traditions établies dans l'espace analogique autour de la mort et du deuil. Par exemple, les émojis floraux peuvent être associés à la coutume de la décoration florale.
- Doka, Kenneth. 1999. "Disenfranchised grief". Bereavement Care 18/3, 37–39.
- Offerhaus, Anke. 2016. "Klicken gegen das Vergessen. Die Mediatisierung von Trauer- und Erinnerungskultur am Beispiel von Online-Friedhöfen". In: Thomas Klie/Ilona Nord (eds.). Tod und Trauer im Netz. Mediale Kommunikationen in der Bestattungskultur. Stuttgart: Kohlhammer, 37–62.
- Pappert, Stefan. 2017. "Zur kommunikativen Funktion von Emojis in der WhatsApp-Kommunikation". In: Michael Beißwenger (ed.). Empirische Erforschung internetbasierter Kommunikation. Berlin/Boston: De Gruyter, 175–212.
8. "Je suis right fier". Approches de la linguistique du discours pour l'analyse de la négociation discursive des normes linguistiques
En tant que société, nous négocions toujours les normes linguistiques, soit parce que les normes existantes ne sont plus pertinentes à un moment donné –par exemple dans le domaine de l'orthographe– soit parce que de nouvelles règles doivent être créées dans un domaine spécifique, par exemple en ce qui concerne le langage sensible au genre. La négociation s’effectue alors souvent dans des discours métapragmatiques ou par l’utilisation différentielle de la langue au moyen de l’indexation sociale en recourant à la signification sociale de différents traits linguistiques structurels (Agha 2006; Silverstein 2003). Le moyen utilisé dans les processus de négociation est toujours la langue elle-même; elle permet d’articuler et de discuter des positions discursives différentes, mais aussi d’expliquer et d’imposer des normes en discussion (Felder 2013). En tant qu’objet d’étude linguistique, les normes linguistiques sont intéressantes aussi bien du point de vue de l’objet lui-même –l’usage– que du point de vue métalinguistique – le discours – (Lebsanft/Tacke 2020). Cela signifie que, premièrement, les normes de la grammaire et de l'orthographe, de l'utilisation de la langue en fonction du genre ou de l’adéquation des registres de langue, par exemple, font l’objet d’une attention particulière de la part des linguistes, et que, deuxièmement, les discussions sur l’impact de ces discours sur l’usage linguistique concret sont également prises en compte (Schmid 2020). L’intérêt de cette section est donc d'étudier les formes de discours sur les normes linguistiques, les stratégies de cadrage idéologique et le positionnement des acteurs impliqués dans les discours sur les normes.
La linguistique du discours dispose aujourd’hui de différentes approches pour analyser les discours: les approches théoriques mettent en avant la linguistique du discours et les épistémologies et positionnements socio-théoriques des acteurs impliqués dans le groupe social qui y sont liés (par ex. Johnstone 2013; Peter 2020; Paulsen 2022); des travaux méthodologiques appliqués s’intéressent à l’approche linguistique des discours et à leur constitution linguistique (par ex. Spitzmüller/Warnke 2011, Roth/Spiegel 2013; Weiland 2020) ainsi qu’à la comparaison interlinguale des caractéristiques d’extraits de discours spécifiques (Rocco/Schafroth 2019). Des champs de recherche plus récents qui portent par exemple sur la mise en registre des variétés linguistiques (enregisterment) et le rôle des discours métapragmatiques dans la négociation des normes linguistiques, tout en tenant compte des rapports de force ainsi que du capital symbolique et culturel des négociateurs, soulèvent des questions d’actualité pour l’étude des discours et de leur description. A cet égard, ce sont surtout les discours ayant pour objectif d’influencer les traditions du parler/de l’écriture (Schlieben-Lange 1983) qui jouent un rôle modifiant le comportement linguistique "normal" ou attendu des locuteurs/locutrices de groupes spécifiques. Dans ce contexte, il convient également d’examiner la construction discursive des variétés et des registres, car la négociation des normes linguistiques se fait souvent en se démarquant des normes qui définissent par exemple le "bon" français, le québécois ou les variétés du français parlées dans des pays africains. Il s’agit notamment de savoir quel usage "normal" de la langue est considéré comme "la" langue elle-même, quel usage "normal" de la langue (correct/bon/adéquat, etc.) est cadré comme déviant (faux/inadéquat/inadapté, etc.) ou quels groupes sont ignorés ou ignorés (c’est, il me semble, le terme que tu utilisais d’habitude). Étant donné qu’il est difficile de séparer d’un point de vue épistémologique la négociation et la détermination de ce qui est considéré comme "normal" ou constitutif d’une variété des personnes qui décrivent ces processus et en déduisent des modèles et des critères de normes, le rôle de ces acteurs doit également être un objet méta-réflexif de l'analyse des discours sur les normes (pour les critères de la détermination des normes voir Sinner 2020).
L’objectif de cette section est, par conséquent, de se focaliser sur la discussion des normes linguistiques, d’une part dans leurs manifestations concrètes dans les discours (par exemple les structures argumentatives) et d’autre part dans le lien entre les unités linguistiques et les valeurs sociales spécifiques associées à ces normes. Les contributions sont les bienvenues dans les domaines suivants:
Méthodologie de la linguistique du discours (anthropologique)
- Discussions et processus de négociation des normes d’usage linguistique, mettant notamment l’accent sur les approches méthodologiques de la linguistique du discours.
- Le changement des conditions sociales impliquant une adaptation des normes linguistiques (par ex. discours sur le genre et la diversité) et leur analyse.
Étude empirique des négociations de normes dans les discours
- Quelles unités linguistiques sont reprises de façon métapragmatique dans les négociations de normes?
- Quelles structures d’argumentation relatives aux normes linguistiques peuvent être identifiées dans le discours?
- Comment la conception de différentes variétés ou registres et les unités linguistiques qui les caractérisent sont-elles négociées?
- Comparaison de la négociation métapragmatique des normes dans différentes régions francophones (en Europe, en Amérique, en Afrique etc.).
Fondements théoriques et de l'épistémologie de la linguistique du discours (anthropologique)
- Confrontation/comparaison de la linguistique du discours basée sur Foucault avec d’autres approches de la linguistique du discours.
- Discussion de différents concepts de normes et de leur importance pour les structures linguistiques concrètes des différentes variétés.
- Normes et relation entre les descripteurs/descriptrices et leur propre positionnement social.
- Relation entre langue et pouvoir dans la définition des normes linguistiques.
Bibliographie
- Agha, Asif. 2006. Language and Social Relations. Cambridge: Cambridge University Press.
- Felder, Ekkehard. 2013. "Faktizitätsherstellung mittels handlungsleitender Konzepte und agonaler Zentren. Der diskursive Wettkampf um Geltungsansprüche". In Ekkehard Felder (ed.). Faktizitätsherstellung in Diskursen. Die Macht des Deklarativen. Berlin/Boston: de Gruyter, 13–28.
- Johnstone, Barbara. 2013. Speaking Pittsburghese: The Story of a Dialect. Oxford: Oxford University Press.
- Lebsanft, Franz/Felix Tacke (eds.). 2020. Manual of Standardization in the Romance Languages. Berlin/Boston: de Gruyter.
- Paulsen, Ingrid. 2022. The Emergence of American English as a Discursive Variety: Tracing Enregisterment Processes in Nineteenth-Century U.S. Newspapers. Berlin: Language Science Press.
- Peter, Benjamin. 2020. L'andalú – Sprache, Dialekt oder lokale Mundart? Zur diskursiven Konstruktion des Andalusischen. Berlin/Boston: de Gruyter.
- Rocco, Goranka/Elmar Schafroth (eds.). 2019. Vergleichende Diskurslinguistik. Methoden und Forschungspraxis. Berlin: Lang.
- Roht, Kersten/Carmen Spiegel (eds). 2013. Angewandte Diskurslinguistik. Felder, Probleme, Perspektiven. Berlin: Akademie Verlag.
- Schlieben-Lange, Brigitte. 1983. Traditionen des Sprechens: Elemente einer pragmatischen Sprachgeschichtsschreibung. Stuttgart: Kohlhammer.
- Schmid, Hans Jörg. 2020. The Dynamics of the Linguistic System. Usage, Conventionalization, and Entrenchment. Oxford: Oxford University Press.
- Silverstein, Michael. 2003. "Indexical Order and the Dialetics of Sociolinguistic Life". Language & Communication 23/3,4, 193–229.
- Sinner, Carsten. 2020. Linguistic Norm in Sociolinguistics. In: Franz Lebsanft/Felix Tacke (eds.). Manual of Standardization in the Romance Languages. Berlin/Boston: de Gruyter,145–164.
- Spitzmüller, Jürgen/Ingo Warnke. 2011. Diskurslinguistik. Eine Einführung in Theorien und Methoden der transtextuellen Sprachanalyse. Berlin/Boston: de Gruyter.
- Weiland, Verena. 2020. Sprachwissenschaftliche Zugriffe auf Diskurse. Ein korpuslinguistischer Ansatz am Beispiel des Themas "Sicherheit und Überwachung" in Frankreich. Heidelberg: Winter.
25 septembre
9.00–9.10 | Mots de bienvenu (Benjamin Peter, Verena Weiland) |
9.10–9.45 | Les conceptualisations de la "norme" en linguistique: un panorama des approches traditionnelles et nouvelles (Benjamin Peter) |
9.45–10.30 | Cartographier la langue : traduction, frontières linguistiques et hiérarchies sociales (Arianne Des Rochers) |
Pause café | |
11.00–11.45 | Hostilité et ambivalence entre la langue et la norme dans le discours normatif (Sybille Große) |
11.45–12.30 | Comment analyser les discours sur la langue de manière contrastive (Elmar Eggert) |
Pause déjeuner | |
16.00–16.45 | "C'est-là ce qui s'appelle du haut-Allemand greffé sur des mots François". La négociation discursive des normes linguistiques dans les Remarques sur les germanismes d'Éléazar de Mauvillon (Karina Slunkaite) |
16.45–17.30 | Dire aux lecteurs comment parler et écrire: l'autorité déontique dans les chroniques de langage belges (1920–1960) (Franz Meier) |
26 septembre
9.00–9.45 | Du Vocabulaire de Marc et Philippe au Dictionnaire Acajun de Marc à Paul à Jos: entreprises populaires de description du parler de la Baie Sainte-Marie (Chantal White) |
9.45–10.30 | "Il ne fault rien escrire au dessous de ce que nous debuons" – la communication non publique en tant que lieu de discours sur les normes linguistiques (Katharina Fezer) |
Pause café | |
11.00–11.45 | Existe-t-il une colloquialization du français? La pratique journalistique entre norme prescriptive et manuels de journalisme (Mirjam Sigmund) |
11.45–12.30 | Politique linguistique émancipatoire dans le Mali postcolonial? Une analyse discursive des réactions sociales à la modification de la constitution (Laura Sommer, Marc Chalier) |
Mittagspause | |
16.00–16.30 | Présentation des nouveaux Manuals of Romance Linguistics |
16.30–17.30 | Vin d'honneur |
27 septembre
9.00–9.45 | "L'accent du sud toujours ossi horrible" ‒ La discrimination linguistique des "accents" régionaux du français (Verena Weiland) |
9.45–10.30 | Clôture |
Elmar Eggert (Kiel)
Comment analyser les discours sur la langue de manière contrastive
La linguistique du discours a déjà suscité plusieurs études pertinentes sur des sujets controversés tels que la position de la femme ou le racisme. Lorsque l'objet du discours concerne le langage lui-même, la complexité est accrue, car le discours, tout comme l'objet dont il traite, implique la langue. De nombreux locuteurs participent activement à ces discussions sur le langage et proposent de nouvelles idées sur les normes linguistiques actuelles, qui ne sont plus exclusivement déterminées par les institutions. Avec l'élargissement de la perception d’une grande diversité de formes linguistiques, facilitée par les médias et les réseaux sociaux en ligne, les évaluations des énoncés langagiers évoluent, et les débats sur les normes linguistiques s'étendent au-delà des frontières (cf. travaux de Neusius et al. 2018). Il est rare de trouver des études qui envisagent de comparer les discours à travers plusieurs communautés linguistiques (par ex. Neusius 2021; Harjus 2024). La présente communication propose de présenter un projet de recherche qui, précisément, s'est engagé dans cette voie. Le projet, intitulé "Dé-corseter le langage" est organisé à l'Université de Kiel. Cette conférence vise à analyser les discours normatifs sur la langue française présents sur Internet et à les évaluer dans un contexte linguistique et culturel, afin de comprendre comment l'orientation normative évolue à travers la communication mondiale directe.
- Harjus, Jannis. 2024. Kontrastive romanistische Diskurslinguistik: Multimodale Rivalitätskonstruktionen in portugiesischen, spanischen, katalanischen und französischen Sportzeitungen. Munich: AVM edition.
- Neusius, Vera. 2021. Sprachpflegediskurse in Deutschland und Frankreich. Öffentlichkeit Geschichte Ideologie. Berlin: De Gruyter.
- Neusius, Vera et al. (eds.). 2018. Les métadiscours des non-linguistes. Paris: Presses Sorbonne Nouvelle.
Katharina Fezer (Tübingen)
"Il ne fault rien escrire au dessous de ce que nous debuons" – la communication non publique en tant que lieu de discours sur les normes linguistiques
Dans la plupart des cas, les études sur les discours de normalisation linguistique en France au XVIIe siècle (cf. par ex. Suso López 2013) prennent en compte les mêmes sources qui ont toutes été rédigées au sein de l'environnement de la Cour et ont fait l'objet d'une publication. En revanche, les textes non publics tels que les journaux intimes, les lettres ou d'autres sources manuscrites ont été largement ignorés jusqu'à présent. Seules les lettres de Mme de Sévigné pour lesquelles la thématisation explicite des normes métapragmatiques a déjà été démontrée (cf. Lignereux 2010) constituent une exception qui est pourtant due à leur notoriété et à leur intégration dans le contexte courtois. L'étude de témoignages épistolaires privés d'autrices et auteurs largement inconnus, telle qu'elle est proposée ici, prouve cependant que les discours de normalisation linguistique sont également portés par des actrices et acteurs extérieurs aux milieux courtois: Là aussi, les normes sont commentées et revendiquées vis-à-vis les destinataires. Il arrive que le même contenu normatif – par exemple des prescriptions relatives à la graphie – soit exprimé dans des sources publiées et privées sous des formes variées. L'intervention souhaite rendre visibles ces différentes manifestations du discours normatif. En analysant la structure discursive et surtout la microstructure textuelle des lettres ainsi que de quelques publications métalinguistiques choisies du XVIIe siècle, elle tiendra compte en particulier du niveau argumentatif (cf. Weiland 2020). À cet égard, il convient surtout d'identifier les éléments tels que les adjectifs évaluatifs ou les expressions déontiques qui permettent de distinguer les degrés du continuum du discours normatif.
- Lignereux, Cécile. 2010. "La déformalisation du dialogue épistolaire dans les lettres de Mme de Sévigné". Littératures classiques 71, 113–128.
- Suso López, Javier. 2013. "Le traitement discursif des 'irrégularités' dans les grammaires du français (XVIIe–XIXe siècles)". Documents pour l'histoire du français langue étrangère ou seconde 51, 39–58.
- Weiland, Verena. 2020. Sprachwissenschaftliche Zugriffe auf Diskurse. Ein korpuslinguistischer Ansatz am Beispiel des Themas "Sicherheit und Überwachung" in Frankreich. Heidelberg: Winter.
Sybille Große (Heidelberg)
Hostilité et ambivalence entre la langue et la norme dans le discours normatif
Le discours normatif joue un rôle prépondérant dans les discours par rapport à la langue et à son usage. Cela vaut pour le discours pré-scientifique, non-scientifique, mais aussi scientifique. (cf. pour la différenciation Lebsanft 2020). La relation entre "la langue" et "la norme" peut d'une manière générale être décrite comme ambivalente dans ces discours. Mais pourrait-elle être conçue et mise en scène dans la construction discursive comme une relation imprégnée d'hostilité? C'est la question générale qui guidera notre analyse fondée sur une documentation diversifiée, incluant (i) les introductions ou préfaces des dictionnaires et des dictionnaires de difficultés de la langue française, (ii) les Remarques sur la langue française aux XVIIe et XVIIIe siècles, (iii) les manuels épistolographiques du français (XVIe–XXe siècle), (iv) le Journal grammatical et didactique de la langue française, (v) et les chroniques du langage du français dans la première moitié du XXe siècle. Nous nous demanderons également dans quelle mesure les éventuelles attributions et représentations hostiles sont motivées idéologiquement et sont donc l'expression du rapport entre les pratiques langagières et les positionnements sociaux (Neusius 2021, 444).
- Lebsanft, Franz. 2020. "Linguistic Norm in Discourse Linguistics". In: Franz Lebsanft/Felix Tacke (eds.). Manual of Standardization in the Romance Languages. Berlin/Boston: De Gruyter, 209–228.
- Neusius, Vera. 2021. Sprachpflegediskurse in Deutschland und Frankreich. Öffentlichkeit – Geschichte – Ideologie. Berlin/Boston: De Gruyter.
Franz Meier (Augsburg)
Dire aux lecteurs comment parler et écrire: l'autorité déontique dans les chroniques de langage belges (1920–1960)
En Belgique francophone, les chroniqueurs de langage ont été parmi les principaux représentants d'un mouvement de rectification langagière qui visait à corriger les pratiques des Belges francophones de tout ce qui semblait s'écarter du "bon usage". En raison de son approche prescriptive de la langue, qui dominait dès la naissance du genre, au début du 20e siècle, jusqu'aux années 1980, les chroniques ont contribué à alimenter le rapport conflictuel, voire auto-dépréciatif, qu'ont longtemps entretenu les Belges francophones avec leur propre variété de français (Meier 2021). Étonnamment, tous les chroniqueurs, même les plus prescriptifs, critiquent la fameuse formule "Ne dites pas, mais dites" en l'associant à un purisme excessif. Néanmoins, ils indiquent, à des degrés variables, qu'ils détiennent une certaine autorité déontique par rapport à leurs lecteurs à l'égard du bon usage du français, imposant ainsi ce qui peut, devrait, doit ou ne doit pas être fait en matière de langue (Stevanovic/Peräkylä 2012). Le but de cette communication est d'examiner la posture déontique de chroniqueurs belges prescriptifs. Nous partons de la définition de posture déontique proposée par Stevanovic et Svennevig (2015, 2), c'est-à-dire "the participants' public ways of displaying how autoritative or powerful they are in certain domains of action relative to their co-participants". Plus particulièrement, nous nous concentrons sur les moyens linguistiques utilisés par les chroniqueurs pour se positionner à l'égard des actions à prendre en matière de bon usage de la langue. Dans ce cadre, l'action promue peut être décrite comme étant plus ou moins nécessaire, souhaitable ou contraignante pour le lecteur. L'analyse repose sur un corpus de billets publiés entre 1920 et 1960 dans les chroniques de Joseph Deharveng (La Jeunesse), de Philippe Baiwir (LeSoir) et de Maurice Grevisse (La Libre Belgique).
- Meier, Franz. 2021. "The Argument from Authority in Doppagne's Franco-Belgian Language Column: Polyphonic Interplays and the Construction of Epistemic Authority". In: Carmen Marimón Llorca/Sabine Schwarze (eds.). Authoritative Discourse in Language Columns: Linguistic, Ideological and Social Issues. Frankfurt am Main: Lang, 117–139.
- Stevanovic, Melisa/Peräkylä, Anssi. 2012. "Deontic Authority in Interaction: The Right to Announce, Propose, and Decide". Research on Language & Social Interaction 45/3, 297–321.
- Stevanovic, Melisa/Svennevig, Jan. 2015."Introduction: Epistemics and Deontics in Conversational Directives". Journal of Pragmatics 78, 1–6.
Benjamin Peter (Kiel)
Les conceptualisations de la "norme" en linguistique: un panorama des approches traditionnelles et nouvelles
La norme est souvent conceptualisée soit structuralement soit socialement en décrivant les usages "normaux" et "fréquents" dans les variétés en lien avec les différents groupes sociaux qui en font usage ou avec l'évaluation sociale des usages. Partant des conceptualisations traditionnelles des normes structurelles et leurs objets de recherche, cette communication se proposera de présenter les nouvelles approches qui conçoivent les différentes échelles des normes à travers les usages métapragmatiques. Ainsi, les traits linguistiques deviennent des outils d'action sociale pour assumer ou réfuter des identités ou traits sociaux dans des situations spécifiques. Il n'y a pas que l'usage concret ou métapragmatique qui peut faire l'objet de recherche, mais aussi les discours sur la langue, les variétés et les traits linguistiques spécifiques qui permettent de saisir le rôle concret des normes et leurs conséquences sociales pour les locuteurs et locutrices. Par conséquent, ce que les locuteurs et locutrices disent sur les différents usages et sur leur effet social – le rapport avec leur corps, avec leur identité, leur position dans le tissu social, la violence symbolique vécue – devient une source précieuse pour saisir les différentes échelles du fonctionnement social des normes linguistiques. Cette communication vise donc à retracer les conceptualisations des normes en partant d'une focalisation sur les usages concrets comme objets de recherche pour en arriver aux locuteurs et locutrices et leur rapport avec ces normes.
- Boudreau, Annette. 2016. À l'ombre de la langue légitime. L'Acadie dans la francophonie. Paris: Garnier.
- Peter, Benjamin. 2024. "Typologie des normes communicatives et démarcatives: analyse de discours acadiens". In: Lidia Becker et al. (eds.). Zwischen Pluralität und Präskription: Sprachnormen in der Romania in Geschichte und Gegenwart. Tübingen: Narr, 205–243.
- Rymes, Betsy. 2020. How we talk about language. Exploring citizen sociolinguistics. Cambridge: Cambridge University Press.
Arianne Des Rochers (Moncton)
Cartographier la langue: traduction, frontières linguistiques et hiérarchies sociales
La traduction est le site par excellence pour réfléchir aux catégories linguistiques normatives, puisqu'elle en (re)produit continuellement les frontières. Le régime dominant de la traduction fonctionne effectivement selon une adresse homolingue (Sakai 1997), qui présuppose l'existence préalable de deux communautés distinctes, séparées par une frontière linguistique que la traduction a pour mission de traverser. Affirmant plutôt le rôle actif et central que la traduction joue à notre époque dans la (re)production des frontières qui délimitent les langues, cette communication traitera de la traduction comme type de cartographie linguistique qui épouse celle des États-nations. Reconnaissant que les catégories linguistiques nationales sont de plus en plus problématiques en raison des hiérarchies sociales qu'elles génèrent ou appuient (Rosa 2019), elle explorera également le potentiel libérateur de la traduction lorsqu'elle est pratiquée de façon "postlingue" (Des Rochers 2023), c'est-à-dire en dehors des langues reconnues comme telles. Dans cette volonté "de ne pas penser comme un État" (Giroux 2019), ce sont les fondements mêmes de nos disciplines – la traduction, la littérature française, la linguistique – qui sont remis en question.
- Des Rochers, Arianne. 2023. Language Smugglers: Postlingual Literatures and Translation within the Canadian Context. Bloomsbury: New York.
- Giroux, Dalie. 2019. Parler en Amérique: Oralité, colonialisme, territoire. Montréal: Mémoire d'encrier.
- Rosa, Jonathan. 2019. Looking like a Language, Sounding like a Race: Raciolinguistic Ideologies and the Learning of Latinidad. Oxford: Oxford University Press.
- Sakai, Naoki. 1997. Translation and Subjectivity: On Japan and "Cultural Nationalism". Minneapolis: University of Minnesota Press.
Mirjam Sigmund (Tübingen)
Existe-t-il une colloquialization du français? La pratique journalistique entre norme prescriptive et manuels de journalisme
Pour les langues comme l'italien, l'anglais et l'allemand, dans certaines traditions discursives comme les articles de journaux, l'on peut constater une colloquialization ou bien une restandardisation provoquée, entre autres, par un changement médiatique survenu au cours du 19e/20e siècle (Bonomi 2000; Cerruti et al. 2017; Schwitalla 2000). Le français standard hexagonal semble cependant avoir été moins concerné par cette évolution. Dans un premier temps, nous nous demanderons si l'on peut trouver des phénomènes d'oralité, rejetés par la norme prescriptive, dans un corpus microdiachronique du journal Le Monde. Nous examinerons ensuite un autre aspect de la colloquialization: les changements de routines linguistiques non-perçues par le discours prescriptif-normatif. Pour ce faire, nous étudierons les recommandations données dans les manuels de journalisme pour vérifier si l'on peut y déceler des tendances à la colloquialization, notamment dans le domaine de la syntaxe (par ex. la longueur décroissante des phrases). Dans un deuxième temps, nous examinerons si ces préconisations sont effectivement appliquées dans le corpus microdiachronique issu du journal le Monde. La comparaison de ces deux approches d'analyse débouche sur une discussion concernant les effets de deux discours normatifs différents, d'une part le discours prescriptif qui vise à maintenir la pureté du bon usage et d'autre part le discours normatif des manuels journalistiques.
- Bonomi, Ilaria. 2002. L'italiano giornalistico. Dall'inizio del 900 ai quotidiani on line. Firenze: Cesati.
- Cerruti, Massimo et al. (eds.). 2017. Towards a New Standard: Theoretical and Empirical Studies on the Restandardization of Italian. Berlin/Boston: De Gruyter.
- Schwitalla, Johannes. 2000. "Medienwandel und Reoralisierung. Phasen sprechsprachlicher Nähe und Ferne in der deutschen Sprachgeschichte". In: Dorothea Klein et al. (eds.). Vom Mittelalter zur Neuzeit. Festschrift für Horst Brunner. Wiesbaden: Reichert, 669–689.
Karina Slunkaite (Heidelberg)
"C'est-là ce qui s'appelle du haut-Allemand greffé sur des mots François". La négociation discursive des normes linguistiques dans les Remarques sur les germanismes d'Éléazar de Mauvillon
À l'Époque moderne, les Remarques sont le genre le plus typique parmi les textes destinés à l'évaluation et à la normalisation de la langue française; elles se caractérisent par un discours normatif fort prescriptif (Ayres-Bennett/Seijido 2011). Une dichotomie évaluative courante est celle du français face au pas français, cela ne signifie pas une comparaison entre le français et d'autres langues, mais vise la conformité normative de la structure en question. Cette distinction est particulièrement intéressante lorsqu'une œuvre vise effectivement un public étranger, comme par exemple les Remarques sur les germanismes (RSLG) d'Éléazar de Mauvillon (1753 [1747]; 1754). Contrairement aux Remarques traditionnelles, s'adressant aux locuteurs natifs français, Mauvillon présente des erreurs typiques que les Allemands, selon lui, commettent lors de l'acquisition du français. Par conséquent, une autre catégorie occupe une place centrale dans l'évaluation linguistique: la délimitation du français par rapport à la langue maternelle des apprenants, notamment par l'utilisation de l'adjectif allemand. Comme pour la dichotomie entre français et pas français, il ne s'agit pas de faire la distinction entre une structure de la langue allemande et une de la langue française, mais allemand, similaire à pas français, désigne plutôt les formes linguistiques déviantes de la norme visée. Il se pose donc la question de la conception du discours normatif dans les ouvrages destinés aux apprenants du français langue étrangère. Cette contribution se concentre sur les structures discursives utilisées dans les RSLG, en tenant compte du contexte de publication et du public cible, et les met en contraste avec les Remarques du XVIIe siècle, pour évaluer la portée du contexte sur les structures utilisées.
- Ayres-Bennett, Wendy/Seijido, Magali. 2011. Remarques et observations sur la langue française. Histoire et évolution d'un genre. Paris: Garnier.
- Mauvillon, Éléazar de. 1753 [1747]. Remarques sur les germanismes. Ouvrage utile aux Allemands, aux François et aux Hollandois, &c. Amsterdam: Mortier.
- Mauvillon, Éléazar de. 1754. Remarques sur les germanismes, les anglicismes &c. Avec un traité de versification, et de la poésie françoise à l'usage des étrangers, tome 2. Amsterdam: Mortier.
Luana Sommer (Gießen), Marc Chalier (Paris)
Politique linguistique émancipatoire dans le Mali postcolonial? Une analyse discursive des réactions sociales à la modification de la constitution
Dans le cadre de la modification de la Constitution malienne en 2023, le gouvernement a annoncé le remplacement du français comme langue officielle par 13 langues nationales, le français ne devant dès lors fonctionner plus que comme langue de travail. Cette annonce a été célébrée dans les médias maliens comme une libération de l'ancienne puissance coloniale. La présente contribution, qui se situe à l'intersection de la sociolinguistique et de la linguistique du discours, porte sur la manière dont la politique linguistique du Mali est commentée sur Twitter/X. Nous y étudions les attitudes affectives et conatives (cf. notamment Zanna/Rempel 1988) envers le français et les langues nationales ainsi que la réorganisation de ces rapports. Ce faisant, nous nous penchons en particulier sur les facteurs typiquement liés à de telle décisions de politique linguistique, tels que le prestige (perçu) et la valeur d'usage (perçue) de ces langues (cf. Kremnitz 2017). Notre analyse tente ainsi de mettre en lumière la manière dont cette décision politique est évaluée ainsi que d'éventuels commentaires critiques pouvant par exemple être liés à des conflits linguistiques. Ce dernier point s'inscrit notamment dans le contexte de la domination du bambara en tant que langue véhiculaire (cf. Skattum 2024, 267). Notre méthode s'inscrit dans le cadre d'une linguistique de discours dans la tradition de Foucault. Elle nous permet de dégager, dans les discours publics et médiatiques, des attitudes sur la politique linguistique malienne à l'échelle de la société du Mali. Notre corpus est constitué de 1665 commentaires se trouvant sous sept tweets du président intérimaire du Mali. Nous y répertorions les récurrences de contenu et les structurons et analysons selon les axes présentés ci-dessus.
- Kremnitz, Georg. 2017. "Sprachenpolitische Entscheidungen zwischen Prestige und kommunikativer Bedeutung: Hintergründe und mögliche Folgen". In: Tina Amrosch-Baroua et al. (eds.). Mehrsprachigkeit und Ökonomie. München: Ludwig-Maximilians-Universität, 17–27.
- Skattum, Ingse. 2024. "Mali". In: Ursula Reutner (eds.). Manual of Romance Languages in Africa. Berlin/Boston: De Gruyter, 265–287.
- Zanna, Mark P./Rempel, John K. 1988. "Attitudes: A new look at an old concept". In: Daniel Bar-Tal/ Arie W. Kruglanski (eds.). The social psychology of knowledge. New York: Cambridge University Press, 315–334.
Verena Weiland (Bonn)
"L'accent du sud toujours ossi horrible" ‒ La discrimination linguistique des "accents" régionaux du français
La discrimination liée à l'apparence, à l'orientation sexuelle ou à la religion est omniprésente sur les réseaux sociaux. Ces types de discrimination et le développement de mesures possibles pour contrer la haine en ligne font également l'objet de débats publics (Weitzel/Mundges 2022). Par contre, la glottophobie, la discrimination fondée sur les caractéristiques linguistiques des locutrices et locuteurs, est moins connue: "le mépris, la haine, l'agression et donc globalement le rejet, de personnes, effectivement ou prétendument fondés sur le fait de considérer incorrectes, inférieures, mauvaises certaines formes linguistiques […] usitées par ces personnes" (Blanchet 2013, 29). Le français est une langue très fortement normée depuis le 17e siècle, dont les variations régionales, entre autres, subissent jusqu'à aujourd'hui des stigmatisations de différents côtés (Boyer 2016). Cette présentation portera sur la discrimination des "accents" régionaux du français, terme souvent utilisé dans le langage courant pour se référer aux caractéristiques de la prononciation considérées comme "typiques" d'une certaine région. Outre l'étude théorique du concept de 'glottophobie' et son application au français parlé, nous nous pencherons sur des exemples de discrimination linguistique sur les réseaux sociaux (par ex. "L'accent du sud toujours ossi horrible", plate-forme X, anciennement Twitter, 22/02/2024).
- Blanchet, Philippe. 2013. Repères terminologiques et conceptuels pour identifier les discriminations linguistiques. Cahiers internationaux de sociolinguistique 4, 29–30.
- Boyer, Henri. 2016. "L'accent du Midi". De la stigmatisation sociolinguistique à l'illégitimation politico-médiatique. Mots. Les langages du politique 111, 49–62.
- Weitzel, Gerrit/Mundges, Stephan. 2022. Hate Speech: Definitionen, Ausprägungen, Lösungen. Wiesbaden: Springer.
Chantal White (Sainte-Anne, Pointe-de-l'Église)
Du Vocabulaire de Marc et Philippe au Dictionnaire Acajun de Marc à Paul à Jos: entreprises populaires de description du parler de la Baie Sainte-Marie
À l'occasion du Congrès mondial acadien 2024 organisé par les municipalités de Clare et d'Argyle dans le Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse, la Société acadienne de Clare, l'organisme porte-parole des francophones de la municipalité, subsidiaire local de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse, qui regroupe les personnes, organisations, associations et entreprises vouées à l'épanouissement des Acadiens de la Baie, entend lancer une réédition du Parler de la Baie Sainte-Marie: le vocabulaire de Marc et Philippe de Félix Thibodeau. Parue pour la première fois en 1988, cette petite plaquette d'une centaine de pages, regroupe les expressions propres à deux octogénaires fictifs de la région, bien connus à l'époque des lecteurs du Petit Courrier de la Nouvelle-Écosse, le seul hebdomadaire francophone de la province en circulation depuis 1938. En effet à partir de juin 1976, dans les pages de l'hebdomadaire, Marc et Philippe et leur épouse respective, Mélonie et Philomène, se remémorent leur jeunesse et les histoires de leur village dans ce que leur auteur a appelé sa petite histoire, façon pour la population locale de se raconter et de s'imaginer comme communauté acadienne. À l'instar de cette historiographie populaire racontée à la première personne, la parution du Parler de la Baie Sainte-Marie s'inscrit dans un effort collectif, amateur et délibéré de singularisation du français parlé dans la région. Comme d'autres initiatives de ce que des linguistes ont nommé le métalangage populaire (Preston 2004), Le parler de la Baie Sainte-Marie et les ouvrages qui lui ont succédé contribuent à construire la variété, l'isoler des autres formes de français parlé en Acadie et en figer certains traits comme étant propres et spécifiques à la région (Johnstone 2013). À travers ce qu'Asif Agha a appelé un processus "d'enregisterment" (2007), ces traits en viennent ensuite à symboliser l'identité et la culture acadienne de la Baie Sainte-Marie. Afin de mieux comprendre comment certains traits phonétiques, lexicaux et morphologiques en sont venus à s'imposer comme appartenant au parler de la Baie Sainte-Marie et constitutifs, voire emblématiques, de la variété qu'on en est venu à reconnaître comme l'acadjonne, cette communication s'intéressera à toutes les initiatives de description linguistique populaires parues depuis 1976 à la Baie Sainte-Marie. À partir d'une étude des paratextes et du matériel linguistique présenté, on s'intéressera non seulement aux traits linguistiques les plus saillants retenus comme représentatifs de cette variété mais aussi aux discours sur cette variété et sur ses locuteurs afin de dégager les idéologies linguistiques qui sous-tendent ces entreprises amateures de description linguistique.
- Agha, Asif. 2007. Language and social relations. Cambridge: Cambridge University Press.
- Preston, Dennis. 2004. "Folk metalanguage". In: Adam Jaworski et al. (éds.). Metalanguage. Social and ideological perspectives. Berlin: De Gruyter, 75–104.
- Johnstone, Barbara. 2013. Speaking Pittburghese. The story of a dialect. Oxford: Oxford University Press.
9. Variétés régionales aux confins sud-est de la Galloromania:Multilinguisme, phénomènes de contact linguistique et glottopolitique
Dans la périphérie de la Galloromania, il y a de nombreux éléments convergents créés par la coexistence, la juxtaposition et le chevauchement de différentes variétés linguistiques. Le francoprovençal, l'occitan et le corse s’entrecroisent avec les langues nationales standardisées respectives sur cette ligne imaginaire, qui s’étend des Alpes à la Méditerranée et qui coïncide en partie avec la frontière juridique. Or, la classification des traditionnelles zones linguistiques et les isoglosses de base peuvent être mises en doute à cause des superpositions (cf. Forner 2005). Aujourd’hui, ces régions sont classées comme Eurorégions et elles sont impliquées dans des projets transnationaux INTERREG, qui ne constituent pas de nouveaux regroupements, mais correspondent en grande partie aux espaces culturels traditionnels qui existaient bien avant la fondation des États-nations. La situation insulaire, littorale ou alpine a favorisé le fait que les souverains des siècles passés considéraient la situation géographique comme stratégiquement avantageuse et exerçaient pour cela une influence sur cette zone. Quasiment sans en être concernées, les populations autochtones continuaient d’entretenir les contacts habituels issus de leur mode de vie agropastoral: d'une part entre les zones limitrophes en raison de la transhumance, d'autre part avec les communautés linguistiques voisines par suite de migrations saisonnières (cf. Luneschi 2019; Mitschke 2018/2019). C'est ainsi que les paysages dialectaux (cf. Dalbera-Stefanaggi 1991; Blanchet 1992; Tuaillon 2007) se sont formés dans la périphérie des États nouveau-nés, où les variétés locales depuis lors sont surtout soumises à des processus de convergence en faveur des langues officielles en raison de l'organisation nationale de l'infrastructure, de l'école et du service militaire, mais également influencées par les variétés voisines.
Plusieurs configurations d'espaces linguistiques découlent des différents statuts des langues régionales sur le territoire du français et de l'italien. Parfois les variétés sont politiquement reconnues mais non pas employées dans la vie quotidienne, parfois le statut officiel est profondément désiré mais non pas accordé. La tripartition de l'espace alpin nord-occidental ainsi que la faible conscience linguistique des locuteurs entravent notamment la protection du francoprovençal. Par contre, il devrait y avoir moins d’obstacles administratifs en Corse grâce à la cuuffizialità. Cependant, dans la France centralisée, il y a peu de place pour les langues minoritaires même de nos jours, de sorte que le corse, en tant que dialecte italo-roman, se trouve dans une relation tendue du point de vue sociolinguistique et glottopolitique d'une part avec l'italien comme ancienne langue-toit et d'autre part avec le français comme langue-toit actuelle. Le faible degré d'institutionnalisation et, en outre, la répartition du domaine sur plusieurs départements nuisent également au maintien de l'occitan. En revanche, sur le territoire italien, les variétés autres que l'italien standard sont relativement bien acceptées en termes de politique linguistique ce qui se traduit entre autres par l’existence des régions à statut spécial. Les groupes des locuteurs alloglottes, comme le francoprovençal et l'occitan, bénéficient certes d'une protection juridique en vertu de la Leggen. 482/99, mais la marge de manœuvre des institutions est restreinte à des prestations de service dans l'administration publique et ne sert guère à l’élaboration structurelle ou à la promotion du prestige des langues.
Le travail de notre section se concentre sur le francoprovençal, l'occitan et le corse tandis que les variétés gallo- et italo-romanes limitrophes servent de points de référence complémentaires. Les langues représentent un facteur identitaire important pour les populations locales, même si elles sont moins ou plus du tout utilisées (cf. Kailuweit 2014a; Jauch 2016). Par conséquent, les locuteurs actuels des langues régionales ont en commun d'être multilingues et maîtrisent le français et/ou l'italien outre la langue minoritaire. Leur nombre total diminue toutefois en raison de la transmission intergénérationnelle à tendance décroissante et à cause de l'émigration dans d’autres zones linguistiques. Malgré les nombreuses caractéristiques communes, au moins deux constellations de variétés différentes se sont formées le long de cette ligne imaginaire. Le francoprovençal et l'occitan ont deux langues-toits en fonction du territoire administratif, alors que la relation du corse avec ses langues-toits, le français et l'italien, n'est que diachronique. En tant que dialecte italo-roman, le corse est sans doute une langue par élaboration (cf. Goebl 2015), alors que le francoprovençal et l'occitan sont des langues par distance dont l’élaboration souffre entre autres du manque d'une koinè et d'une graphie largement acceptées (cf. Martin 2002; Winkelmann/Fröhlich 2018). Le morcellement dialectal des langues minoritaires va à l'encontre d’une conception unique et cohérente des zones linguistiques et l'intercompréhension apparaît comme un énorme défi (cf. Bichurina 2016). En Corse, la variation linguistique est perçue de manière positive grâce au principe de polynomie (cf. Marcellesi 1986) et son unité est vigoureusement encouragée par la politique linguistique. En général, la politique de l'État-nation et l'internationalisation économique entraînent donc plutôt des tendances à l'uniformisation linguistique, alors que le retour à la culture et à la langue locales renforce l'identité et offre un soutien dans le contexte de la mondialisation aux populations autochtones.
Notre section veut accorder l’attention aux langues régionales et à leurs locuteurs issus des différents contextes glottopolitiques de manière syn- et diachronique dans différents domaines d'étude. Le but est de saisir et de comparer le degré de convergence vers l'extérieur ou la tendance de concentration vers l'intérieur tant au niveau des structures linguistiques que des comportements communicatifs au sein de la société. L'analyse des phénomènes de contact structurel (au niveau phonologique, morphologique et syntaxique) doit tenir compte de la complexité du répertoire linguistique et distinguer au moins entre un contact basilectal et/ou un contact acro-basilectal. En ce qui concerne l’approche intralinguistique, il se pose par exemple la question de savoir de quels croisements historiques et géographiques il faut tenir compte dans l’évolution interne de la langue, dans quelle mesure la koinéisation est avancée ou quelles mesures sont prises pour la planification du statut et du corpus. En tenant compte des influences extérieures, il est intéressant de connaître quels types de multilinguisme et d'attitudes linguistiques existent, comment les variétés en question se répartissent de manière dia- et synchronique entre les domaines d’usage, quelles sont les interdépendances entre les langues nationales et minoritaires et quels gradata (cf. Stehl 2012; Jablonka 1997) en résultent. En outre, il s'agit d'approfondir les structures de pouvoir glottopolitique et la manière dont la migration se répercute sur la communauté linguistique autochtone ou sa diaspora. Le savoir sur ces langues régionales à la croisée de la spécificité locale et de la mondialisation peut être amélioré et élargi sur la base des données de recherche empiriques et des réflexions théoriques. La diversité des constellations et des confluences offre un scénario idéal pour des modélisations.
Bibliographie
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25 septembre
16.00–16.30 | L'impact de la politique linguistique française sur la vitalité de l'occitan du Périgord: approche diachronique et synchronique (Adrian Görke) |
16.30–17.00 | Les néolocuteurs de l'occitan: apprentissage, usage de la langue et expériences (Fiona Gehring) |
17.00–17.30 | Quels sont les défis de parler francoprovençal, occitan et corse? Une analyse à l'aide de l'échelle d'auto-efficacité linguistique (Anja Mitschke) |
26 septembre
9.00–9.30 | Patois vs francoprovençal: les représentations de la langue autochtone dans le volet bressan du corpusDicoFranPro (Manuel Meune) |
9.30–10.00 | Le traitement des noms propres dans l'aire francoprovençale, entre tra-duction et tra-hison (Christiane Dunoyer) |
10.00–10.30 | Perspectives diachroniques sur l'évolution des termes d'origine francoprovençale dans le français régional du Valais (Céline Rumpf) |
Pause café | |
11.00–11.30 | Des mots occitans ou francoprovençaux qui sont entrés dans les régionalismes du français en Rhône-Alpes (Claudine Fréchet) |
11.30–12.00 | Le Nissart en contact linguistique: l'influence française et italienne sur la réalisation de l'accord chez les locuteurs et locutrices du Nissart (Nicolas Peyrou) |
12.00–12.30 | Le genre grammatical en languedocien et en provençal médiévaux (Marinus Wiedner) |
Pause café | |
16.00–16.30 | Présentation des nouveaux Manuals of Romance Linguistics |
16.30–17.30 | Vin d'honneur |
27 septembre
9.00–9.30 | Plurilinguisme et pratiques langagières au miroir du conte populaire occitan (Louise Esher) |
9.30–10.00 | OcOr, un corpus annoté de contes et récits en occitan: méthodes, défis et solutions (Marianne Vergez-Couret) |
10.00–10.30 | Trajectoires linguistiques corses en contexte plurilingue: enjeux de description et de revitalisation (Francescu Luneschi, Stella Retali-Medori) |
Pause café | |
11.00–11.30 | Ce qui reste des clitiques objet après la traversée: histoires de contact entre Corse et Italie (Lorenza Brasile) |
11.30–12.00 | LeConjugaverbes, analyse et promotion de la conjugaison francoprovençale (Andrea Rolando) |
12.00–12.30 | La structuration de la Gallo-Romania et le rôle de l'analogie dans la morphologie verbale (Marc-Olivier Hinzelin) |
Pause déjeuner | |
14.00–14.30 | Procès de normalisation linguistiques: Le monégasque et autres variétés de transition entre l'occitan et le gallo-italique (Roger Schöntag) |
14.30–15.00 | Le rhotacisme ligure: trajectoires d'un phénomène en expansion (Dalila Dipino) |
15.00–15.30 | Conclusions |
Lorenza Brasile (Corte/Genova)
Ce qui reste des clitiques objet après la traversée: histoires de contact entre Corse et Italie
En corse les pronoms clitiques complément se placent dans l'ordre direct-indirect quand ils sont combinés (a ti dicu 'je te le dis'). L'ordre inversé, qu'on a normalement dans les langues et dialectes romanes, ne se trouve sur l'île que dans certains contextes syntaxiques, tels que ceux d'enclise (dimmila! 'dis-le-moi!', t'aghju dettu di dimmila 'Je t'ai dit de me le dire'; cf. par ex. Durand 2003, 208) et parfois ceux des phrases négatives (ùn ti l'aghju micca detta 'je ne te l'ai pas dit'; comme l'on remarque des données de Manzini/Savoia 2005). À montrer, en revanche, une situation similaire au reste de l'Europe latine il y a les dialectes urbains de Bastia et Ajaccio, ceux des villages cap-corsins, et le ligurien de Bonifacio. Pour ces localités, l'ordre indirect‑direct est l'option la plus fréquente, voire la seule possible (par ex. ti la dicu, mi lu dà). Ce n'est pas un hasard s'il s'agit des endroits corses les plus exposés au contact avec l'extérieur de l'île […] au point d'avoir importé une deuxième forme de clitique objet indirect de 3e personne à côté de celle typiquement corse li: il s'agit de ni pour Bastia et le Cap Corse, et ghi pour Ajaccio, formes d'origine toscane occidentale et ligurienne respectivement. La communication portera sur les aspects du contact entre corse d'une part et ligurien/toscan de l'autre, sur la morphosyntaxe des clitiques objet. On discutera de l'introduction des formes exogènes dans les systèmes corses et des aspects théoriques auxquelles cela nous renvoie. En fait, bien qu'équivalentes au li autochtone, ces autres formes ne se comportent pas de la même manière au niveau syntaxique. Ni et ghi ne se trouvent jamais après l'objet direct, au contraire de li, quipeut bien bouger: dans les parlers cap-corsins on peut entendre a li dice, li la dice et ni la dice, mais pas *a ni dice. Le parler ajaccien semble avoir une restriction ultérieure: on entend ghi la dici et a li dici, mais pas *a ghi dici et *li la dici. Le bonifacien, en tant que variété ligurienne, ne connait que ghi ru dice. On entrevoit une sorte de gradatum des effets du contact, peut-être lié à ses dynamiques socio‑historiques différentes selon les localités (cf. Toso 2005 pour Ajaccio, Bonifacio et d'autres commune ayant le ghi ligurien). Les deux formes pronominales exogènes ghi et ni demeurent figées à leur schéma d'ordre originaire (ghi/ni + objet direct), sans toutefois être des formes opaques (elles peuvent apparaitre seules: ghidici / ni dice).
- Durand, Olivier. 2003. La lingua còrsa: una lotta per la lingua. Brescia: Paideia.
- Manzini, Maria Rita/Savoia, Leonardo Maria. 2005. I dialetti italiani e romanci: morfosintassi generativa. Alessandria: Orso.
- Toso, Fiorenzo. 2002. "L'avverbio e pronome ghi in dialetti corsi e peri-corsi". Linguistica 45/1, 259–276.
Dalila Dipino (Zurich)
Le rhotacisme ligure: trajectoires d'un phénomène en expansion
Un phénomène phonétique considéré comme emblématique de la Ligurie dépasse largement les frontières de la région, investissant les territoires voisins. Le rhotacisme du l intervocalique (par ex. mola > Lig. occ. [ˈmœːɹa] 'meule') caractérise également la région orientale de la Provence et de nombreuses variétés italo-romanes septentrionales, dans le sud et l'est du Piémont, ainsi que l'ouest de la Lombardie et le canton du Tessin en Suisse. Remontée aux langues du substrat, "l'acutissima tra le spie liguri" pour Merlo (1938, 30), ses prémisses ont été remises en question à plusieurs reprises et cette hypothèse apparaît aujourd'hui surtout comme une suggestion. Dans la présente contribution, on tentera de reconstruire les trajectoires possibles d'un phénomène qui, au contraire, semble être pleinement médiéval et avoir eu la Ligurie comme épicentre, en se répandant ensuite en dehors de la région. Sur la base de la distribution diatopique, on montrera comment le rhotacisme du l intervocalique, ainsi que la variation de la latérale préconsonantique (avec les deux résultats opposés et alternatifs du rhotacisme ou de la vélarisation, selon le type de la consonne suivante, par ex. vulpe > gén. [ˈvurpe] 'renard' vs. altu > gén. [ˈau̯tu] 'haut') apparaît comme un phénomène en expansion au Moyen-Âge, dont la réception, qui a probablement pris des chemins différents, n'a pas toujours été fidèle à l'original. Petracco Sicardi (1971, 22), en effet, avait déjà émis l'hypothèse que le rhotacisme du l intervocalique avait pu se répandre le long des principales voies de communication dans deux directions: de la Ligurie le long de la côte et vers la vallée de la Durance via le Piémont. Dans cette perspective, la variété des phénomènes liés au rhotacisme, nombreux dans cette zone (cf. Dipino 2023), semble se lire comme une conséquence de l'adoption d'un trait non autochtone, dont les règles d'application ne sont pas maîtrisées, ce qui se traduit par des surextensions, des formes réactionnelles, des hypercorrections, jusqu'à la variation libre, et dans lequel la composante diastratique a dû également jouer un rôle non secondaire. En conclusion, l'analyse de ce phénomène montre une fois de plus comment on peut parler de la Ligurie et de la Provence comme de deux "aree conservative ma aperte" (Petracco Sicardi 1971, 36), perméables aux poussées novatrices venant de l'extérieur et en échange réciproque continu, comme le démontrent les contaminations présentes dans les variétés contemporaines, qui font de la zone à cheval sur l'arc alpin sud-occidental une véritable amphizone.
- Dipino, Dalila. 2023. "Sugli esiti di r (primario e secondario) e rr nei dialetti liguri dell'entroterra tra la Francia e l'Italia". In: Vincenzo Faraoni et al. (eds.). Prospettive di ricerca in linguistica italiana e romanza. Studi offerti a Michele Loporcaro dagli allievi e dai collaboratori zurighesi. Pisa: ETS, 307–334.
- Merlo, Clemente. 1938. "Contributi. I. Degli esiti di r e di n intervocalici nel dialetto di Pigna". L'Italia Dialettale 14, 23–58.
- Petracco Sicardi, Giulia. 1971. "Il problema dei rapporti linguistici tra la Liguria e la Provenza". In:Federation Historique De Provence (ed.).Atti del II Congresso Storico Liguria-Provenza (Grasse 1968). Marseille: Bordighera, 19–36.
Christiane Dunoyer (Saint-Nicolas, Vallée d'Aoste)
Le traitement des noms propres dans l'aire francoprovençale, entre tra-duction et tra-hison
Tout au long des recherches menées sur les pratiques et les représentations linguistiques dans l'aire francoprovençale (Dunoyer 2018), un corpus de données s'est constitué de manière transversale, répondant à la question suivante: comment les différentes catégories de locuteurs traitent les noms propres à l'intérieur d'un discours, selon la langue utilisée, dans les différentes régions où le francoprovençal est pratiqué. Il en ressort une variété assez surprenante de comportements linguistiques dont l'analyse est révélatrice des représentations linguistiques mises en avant par les différentes communautés (Meune 2021). Ce sera à travers le prisme de l'anthropologue qui étudie les faits sociaux et culturels de ces communautés, que cet aspect linguistique, sera abordé. Dans la première partie, nous décrirons les différents traitements des noms propres en catégorisant les locuteurs et leur région d'appartenance, en détaillant également la variation des comportements pour un même locuteur, selon la langue utilisée dans le discours. En Vallée d'Aoste, territoire plurilingue où le francoprovençal est pratiqué au quotidien par une partie de la population, à côté du français et de l'italien, l'intraduisibilité des noms propres est une règle partagée par une large majorité des habitants et par les institutions, qu'elles soient locales ou nationales (télévision publique, école), si bien que l'écart est considéré comme une "faute". Cette même notion de faute, ne connaît pas la même intransigeance côté français ou suisse, où le standard français joue un rôle hégémonique majeur, avec pourtant des différences locales: par ex. dans le canton de Vaud les noms de localités se terminant par -ens sont prononcés -an comme en français standard, alors que dans le canton de Fribourg la prononciation francoprovençale est respectée. Quant aux noms se terminant par -az, syllabe atone en francoprovençal, sont prononcés avec un a tonique en Suisse romande et sur le territoire français (mais pas en Vallée d'Aoste), alors que la prononciation du z final (observable massivement auprès de locuteurs francophones ou italophones non originaires de l'aire francoprovençale) n'est pas acceptée. Dans la deuxième partie, nous analyserons les différents cas de figure en les mettant en relation avec les représentations linguistiques dominantes, ce qui nous amènera à identifier une polarisation des pensées relativement à la question de la traduction (perçue tantôt comme inévitable tantôt comme superflue). En effet, deux attitudes opposées se profilent (la traduction systématique et le refus de la traduction, avec des situations intermédiaires plus nuancées, bien entendu) et font émerger une réflexion sur la densité ontologique du nom propre (dans le sillage de l'anthropologie des noms propres: Bromberger 1982) qui, selon les communautés de locuteurs, est considéré tantôt comme un élément purement linguistique, tantôt comme un attribut extérieur intimement lié à l'entité sous-jacente: dans un cas, la traduction est possible et légitime, dans l'autre cas elle soulève des questions d'ordre éthique et politique en s'apparentant à une trahison. Après avoir mis en relation ces différents aspects de la question, notre conclusion propose une lecture plus globale du phénomène à l'échelle des grandes idéologies qui travaillent le continent européen au cours de ces derniers siècles.
- Bromberger, Christian. 1982. "Pour une analyse anthropologique des noms de personne", Langages 66, 103.
- Dunoyer, Christiane. 2018. "Pratiques linguistiques et représentations autour de l'intercompréhension". International Journal of the Sociology of Language 249, 151–166.
- Meune, Manuel. 2021. "Le français, langue du lieu ou langue d'ailleurs? Le discours sur le francoprovençal dans Le peuple valdôtain (2000–2018)". Ponti/Ponts 1/20, 121–147.
Louise Esher (CNRS Llacan)
Plurilinguisme et pratiques langagières au miroir du conte populaire occitan
En France, les parlers occitans coexistent depuis longtemps avec le latin, langue du culte et de l'érudition, et le français, langue de prestige économique et social (Brun 1923; Bach 2023). Ce contexte plurilingue fait partie des réalités culturelles éminentes de la population, au point d'être intégré aux contes populaires, dont le propre est d'associer des motifs structurants internationaux (Uther 2004) à l'univers matériel et culturel d'une communauté spécifique. Le plurilinguisme est représenté avec une vérisimilitude révélatrice des pratiques langagières de la communauté, aussi bien structurelles que sociologiques. La narration et la plupart des dialogues sont contées en occitan, langue vernaculaire de toute la communauté. Lefrançais apparaît dans les énoncés des personnages occitanophones qui aspirent à l'ascension sociale. Les énoncés en français sont toujours parfaitement grammaticaux, et ne s'accompagnent jamais de glose, ce qui indique une excellente connaissance passive du français dans l'ensemble de la communauté, ainsi qu'une connaissance active chez certains. Les énoncés en français illustrent surtout l'infélicité pragmatique: discursive, lorsque des personnages dont la maîtrise du français se résume à quelques locutions tentent de converser avec des personnages francophones au moyen de ces seules locutions (contes-type ATU 1697, 1699); interpersonnelle, lorsque des personnages bilingues occitan/français, de retour dans leur famille occitanophone d'origine, s'expriment en français pour véhiculer une identité urbaine et instruite (ATU 1628, 1628*). Dans ce dernier cas, où l'occitan est attendu comme marqueur d'authenticité et de solidarité, l'emploi du français n'entrave aucunement la communication, mais compromet bien le lien social. Le latin, toujours accompagné d'une paraphrase afin de garantir la compréhension, caractérise les personnages de curé ou ayant des prétentions intellectuelles (ATU 1562A, 1628, 1628*, 1699). Il est représenté principalement sous la forme de portemanteaux composés d'un radical lexical occitan et d'une désinence latine, parfois sous la forme d'énoncés qui enchaînent des mots occitans et latins authentiques dans une imitation de syntaxe latine. Le latin des contes, toujours reconnu comme factice par les personnages et le public, atteste de la sensibilité des locuteurs à certaines propriétés formelles du latin, celles qu'ils peuvent inférer à partir des textes liturgiques qui constituent leur seule pratique de cette langue. L'effort consenti pour représenter le latin témoigne de normes sociales puissantes concernant les contextes professionnels et religieux où la pratique du latin est valorisée voire exigée. La transmission culturelle des contes à motif langagier présuppose un public qui dispose de connaissances linguistiques permettant de comprendre l'intrigue et d'apprécier son humour: la substance des contes transmis témoigne ainsi des compétences et des pratiques langagières de la communauté.
- Bach, Xavier. 2023. "Multilingualism and linguistic change in Montpellier (14th-16th c.)". Presentation at Occitan Studies Day, Trinity College, University of Oxford, 20 May 2023.
- Brun, Auguste. 1923. Recherches historiques sur l'introduction du français dans les provinces du Midi. Paris: Champion.
- Uther, Hans-Jörg. 2004. The types of international folktales: A classification and bibliography. based on the system of Antti Aarne and Stith Thompson. Helsinki: Suomalainen Tiedeakatemia.
Claudine Fréchet (Lyon)
Des mots occitans ou francoprovençaux qui sont entrés dans les régionalismes du français en Rhône-Alpes
Alors que la politique de l'Etat-Nation peut tendre à une uniformisation linguistique, le français dans sa variété contribue à l'identité socio-culturelle en Rhône-Alpes comme dans tout espace francophone. Le régionalisme, signe linguistique, est présent dans tous les champs sémantiques, on le trouve aussi sur le plan morpho-syntaxique et sur le plan phonétique (cf. Glessgen/Thibault 2005). La même forme peut se trouver sur un espace situé en domaine dialectalement occitan ou francoprovençal (cf. Frechet 2015). Les régionalismes peuvent contribuer à l'enrichissement du français par l'apport de nouveaux termes, lorsqu'ils sont des formes francisées empruntées à un autre système linguistique (cf. Berrendonner 1983). La présence de ces régionalismes peut souvent être justifiée par leurs racines locales, leur lien avec l'occitan ou le francoprovençal selon les lieux, mais aussi par leur utilité, puisque certains contribuent à la désignation d'éléments ou de réalités, qui n'ont pas de terme spécifique en français. Le signe régional est présent dans tous les champs sémantiques: animé (humain, animaux…), végétaux, météorologie, les objets du quotidien et les objets techniques… Les signes qui sont utilisés pour désigner les réalités locales, comme les référents qui leur sont rattachés, sont circonscrits géographiquement. C'est notamment le cas de signes en rapport avec les pratiques culinaires locales: le pantin "biscuit en pâte dure et rose de diverses formes", le suisse "biscuit épais en forme de bonhomme fait avec des écorces d'oranges confites". Le signe régional est présent dans toutes les catégories grammaticales du français. Bien souvent le signe régional ne comporte pas qu'un signifiant; la séquence acoustique peut varier entre les différents utilisateurs d'un même lecte (cf. abouchon/abouchou.'face contre terre, à plat ventre (d'un animé)','à quatre pattes', Haute-Loire (Velay), 'renversé (d'un objet)', 'sens dessus dessous, en désordre';abialer/abiarer 'creuser des biefs d'irrigation'). Cela ne gêne pas pour autant l'intercompréhension. Cependant, si le signifiant peut varier, le rapport entre le signifié et le concept est fixe. C'est sans doute le seul point commun à l'ensemble des régionalismes. Après une présentation de quelques types de régionalismes, à l'aide d'exemples, je présenterai le rapport entre le signifié et le concept d'un signe régional, et montrerai que le régionalisme peut reposer sur une interprétation culturelle et géographique circonscrite de la réalité. À partir d'un élément constitutif du signe régional, le concept, il sera possible d'aborder l'histoire du régionalisme et les particularités du rapport signe/référent.
- Berrendonner, Alain et al. 1983. Principes de grammaire polylectale. Lyon: PUL.
- Fréchet, Claudine. 2015. Dictionnaire des régionalismes de Rhône-Alpes. Paris: Champion.
- Glessgen, Martin D./Thibault, André (eds.) 2005. La Lexicographie différentielle du français et le Dictionnaire des régionalismes de France. Strasbourg: PUS.
Fiona Gehring (Freiburg)
Les néolocuteurs de l'occitan: apprentissage, usage de la langue et expériences
Cette communication montrera les premiers résultats de mon étude qui porte, entre autres, sur les néolocuteurs et néolocutrices de l'occitan. Les personnes du groupe cible qui se caractérisent par le fait d'apprendre de leur propre initiative une langue régionale ou minorisée qui ne leur a pas été transmise en famille, pourraient avoir le potentiel de freiner ou même d'arrêter la chute du nombre de locuteurs typique des langues régionales (cf. Morris/Williams 2000; Grinevald/Bert 2011). L'apparition des néolocuteurs est un phénomène qui montre une dynamique récente: elle se dirige contre les processus de convergence à faveur de la langue officielle et possiblement contre la mort des langues régionales. Basée sur des questionnaires, mon étude démontrera des caractéristiques des personnes suivant des cours de langue régionale. Bien que l'occitan soit peu institutionalisé, on trouve de nombreuses possibilités pour l'apprendre. Les apprenant.e.s interrogé(e)s fréquentent par ex. des cours pour adultes de différentes organismes comme des associations locales ou supra-locales ou des cours à l'université. Il s'agira d'en savoir plus sur le comportement et les attitudes linguistiques des apprenant.e.s, ainsi que d'examiner des indices qui aident à comprendre comment une personne devient néolocuteur/néolocutrice. Le seul concept connu qui pourrait expliquer ce dernier aspect est basé sur les mudes (cf. Gonzalez/Pujolar 2013): Une personne peut changer son comportement linguistique suite à une expérience décisive qui l'entraine à attribuer une nouvelle signification à cette langue. Les premiers résultats d'analyse montreront des indices sur le rôle que jouent les mudes dans les trajectoires des néolocuteurs/néolocutrices et l'accent sera mis sur les migrant.e.s et sur les néolocuteurs/néolocutrices vivant en Val d'Aran. Les données sur lesquelles les analyses se basent sont des réponses d'environ 350 apprenant.e.s de l'occitan de France et d'Espagne rassemblées entre novembre 2023 et janvier 2024. Ils ont répondu à des questions par rapport à leur biographie linguistique, c'est-à-dire à leur apprentissage et leur usage de la langue, leurs motivations d'apprendre et de parler et développements de ces aspects. Des questions d'identité et de personnalité sont également inclues. En catégorisant et en comparant les témoignages, les profils récurrents des personnes retrouvées parmi les participant.e.s seront démontrés et cela dévoilera à quel point ils diffèrent d'un contexte à l'autre ce qui fera également découvrir quelques cas particuliers difficilement catégorisables.
- Grinevald, Colette/Bert, Michel. 2011. "Speakers and communities". In: Peter K. Austin/Julia Sallabank (eds.). The Cambridge Handbook of Endangered Languages. Cambridge: Cambridge University Press, 45–65.
- Gonzalez, Isaac/Pujolar, Joan. 2013. "Linguistic 'Mudes' and the De-Ethnicization of Language Choice in Catalonia".International Journal of Bilingual Education and Bilingualism 16/2, 138–152.
- Morris, Delyth/Williams, Glyn. 2000. Language Planning and Language Use: Welsh in a Global Age. Cardiff: University of Wales Press.
Adrian Görke (Bordeaux)
L'impact de la politique linguistique française sur la vitalité de l'occitan du Périgord: approche diachronique et synchronique
La politique linguistique de l'Etat français poursuit une homogénéisation linguistique à l'intérieur de ses frontières, entreprise depuis la révolution française par les révolutionnaires jacobins (cf. Harguindeguy/Cole 2009, 944) et cimentée depuis le 4 octobre 1958 par l'article 2 de la constitution française "la langue de la République française est le français", ne laissant ainsi que très peu de place aux langues régionales et par conséquent également à la langue occitane, dont "l'espace recouvre le tiers sud de la France actuelle" (Martel 2009, 89). La communication présente se concentre sur le territoire occitan du Périgord, présentant d'un côté un ensemble géographique pratiquement inchangé depuis son peuplement par la tribu gauloise des Pétrocoriens (cf. Fourment/Hiriart 2022, 52) ainsi qu'une disposition dialectale intéressante, car se situant à cheval sur deux zones dialectales de l'occitan: le limousin au nord et le languedocien au sud. Au vu de la classification de la langue occitane ainsi que de ses principaux dialectes parmi les langues en danger, cf. l'atlas des langues en danger dans le monde de l'Unesco, la communication se donne comme objectif de transposer ce constat sur le Périgord et de poursuivre un questionnement mêlant approche diachronique et synchronique en se demandant comment la politique linguistique de la France menée depuis la révolution française a-t-elle influencé la vitalité de l'occitan du Périgord jusqu'à nos jours? Afin de mener à bien l'objectif de recherche en question, la communication analysera dans un premier temps, en empruntant une approche diachronique, l'impact des mesures de politique linguistique française sur l'évolution du taux de locuteurs d'occitan au Périgord. Puis, l'attention portera sur la vitalité actuelle de l'occitan du Périgord en se concentrant notamment sur ses espaces d'usage privilégiés. Les premiers résultats obtenus de l'enquête en cours à cet égard induisent à croire que l'on assiste à un recul dans l'utilisation de l'occitan du Périgord dans l'espace public-privé, mais constate un essor dans l'espace culturel-virtuel, susceptible d'éponger au moins une partie des pertes subies.
- Fourment, Nathalie/Hiriart, Eneko. 2022. "Le Périgord haut lieu de la Préhistoire". In: Michel Combet/Bernard Lachaise (eds.). Nouvelle histoire du Périgord. Morlaas: Cairn, 9–58 .
- Harguindéguy Jean-Baptiste/Cole, Alistair. 2009. "La politique linguistique de la France à l'épreuve des revendications ethnoterritoriales". Revue française de science politique 59/5, 939–966.
- Martel, Philippe .2009. "Occitan, français et construction de l'état en France". In: Denis Lacorne/Tony Judt (eds.). La politique de Babel. Du monolinguisme d'Etat au plurilinguisme des peuples. Paris: Karthala, 87–116.
Marc-Olivier Hinzelin (Hamburg)
La structuration de la Gallo-Romania et le rôle de l'analogie dans la morphologie verbale
Dans la morphologie verbale, les verbes irréguliers sont marqués par une allomorphie du radical – voire un supplétisme. Dans les variétés gallo-romanes, la distribution des radicaux suit le plus souvent des patrons morphomiques (Maiden 2018) et le syncrétisme (Hinzelin 2022). La forme des radicaux peut présenter des effets analogiques intraparadigmatiques (nivellement analogique ou syncrétisme) et interparadigmatiques (homonymie) – ou même un effet intervariétal par emprunt dialectal dans une situation de contact. Un exemple fameux est le verbe aller dont les radicaux supplétifs proviennent de verbes différents latins: al- < ambulare ou an- < *ambitare, v(…)- < vadere et ir- < ire. Le radical du futur dans la Gallo-Romania est soit ir- comme en français standard, soit des formes dérivées de al- (Vallée d'Aoste et Suisse romande) – allèr- ou ódr- (*audr- < *aldr- < *alr-) –, soit des radicaux mixtes vir- ou nir-. Encore une autre solution a recours à un radical emprunté du piémontais ou de l'italien standard qui se manifeste à Donnas (Vert) en Vallée d'Aoste sous la forme de andr-. Un radical emprunté peut aussi exister à l'impératif à Crozant (Creuse) dans le Croissant (Deparis 2023) où le radical al- est employé dans le paradigme de an- en déplaçant le syncrétisme habituel. En général, les deux radicaux sont bien séparés dans la Gallo-Romania en occupant des aires différentes – le radical al- étant réservé clairement aux langues d'oïl et au francoprovençal. Par ailleurs, tous les deux radicaux se situent normalement dans les mêmes cases paradigmatiques en dehors du patron N ("N-pattern complement", cf. Maiden 2018), avec, souvent, l'exception du futur et du conditionnel. L'évolution et la distribution de ces formes ainsi que le rôle joué par le contact des langues seront discutés par rapport à la structuration morphomique supposée des paradigmes verbaux. La structuration de la Gallo-Romania se révèle de façon ostensible à partir de l'emploi de certains radicaux mais de véritables failles linguistiques peuvent se manifester dans les zones de contact comme le Croissant (contact oc/oïl) ou dans le nord-ouest de l'Italie (contact entre le francoprovençal et l'occitan avec le piémontais et le ligurien).
- Deparis, Amélie. 2023. Le Croissant linguistique, contact entre langue d'oc et langue d'oïl dans l'aire gallo-romane: étude des traits linguistiques significatifs et de leurs représentations en cartographie. Paris: Institut national des langues et civilisations orientales.
- Hinzelin, Marc-Olivier. 2022. "Allomorphy and syncretism in the Romance languages". In: Mark Aronoff (ed.). Oxford Research Encyclopedia of Linguistics. Oxford: Oxford University Press.
- Maiden, Martin. 2018. The Romance Verb. Morphomic Structure and Diachrony. Oxford: Oxford University Press.
Francescu Maria Luneschi, Stella Retali-Medori (Corte)
Trajectoires linguistiques corses en contexte plurilingue: enjeux de description et de revitalisation
Cette communication vise à explorer les dynamiques géolinguistiques et sociolinguistiques dans un contexte de plurilinguisme (cf. Dalbera-Stefanaggi 1991). Elle se penche d'une part sur les phénomènes de contact au sein du diasystème corse (cf. Marcellesi 1984) et d'autre part elle examine un ensemble d'attitudes linguistiques vis-à-vis d'une norme qui admet le principe de la variation dialectale. Cette perspective permet d'interroger, dans le sillon des résultats du Nouvel Atlas Linguistique et Ethnographique de la Corse, la circulation de la langue corse et sa représentation géolinguistique (cf. Medori 1999). Parallèlement, le développement de l'enseignement du corse, des initiatives linguistiques hors du cadre scientifique, et l'insertion de la langue dans des domaines comme la littérature et les médias, indiquent des tendances vers la convergence. En adoptant une approche variationniste, les interférences entre les variétés dialectales corses révèlent aujourd'hui de nouvelles orientations, oscillant entre alignement et complexification du système linguistique. Notre étude, tant synchronique que diachronique, cherche à décrire les processus de continuité et de rupture dans la langue corse, contribuant ainsi à l'effort de revitalisation linguistique. L'analyse des caractéristiques phonétiques, phonologiques, morphologiques voire syntaxiques du corse révèle de façon plus générale la singularité de son répertoire linguistique. Nous ambitionnons de souligner les défis et opportunités pour les sciences du langage dans le soutien à la revitalisation et au développement du corse. Il s'agit d'initier une réactualisation des questions liées à la norme et aux marges, au centre et aux périphéries, à la conservation et à l'innovation linguistiques.
- Dalbera-Stefanaggi, Marie-José. 1991. Unité et diversité des parlers corses. Alessandria: Orso.
- Medori, Stella. 1999. Les parlers du Cap Corse: une approche microdialectologique. Corte: Université de Corse.
- Marcellesi, Jean-Baptiste. 1984. "La définition des langues en domaine roman; les enseignements à tirer de la situationcorse". In: Actes du Congrès de Linguistique et de Philologie Romanes, vol. 5: Sociolinguistique. Aix-en-Provence: Aix Marseille Université, 307–314.
Manuel Meune (Montréal)
Patois vs francoprovençal: les représentations de la langue autochtone dans le volet bressan du corpus DicoFranPro
Déjà bien représentée dans la littérature "classique" et la tradition dialectologique, la Bresse savoyarde (Bourg-en-Bresse) a vu depuis le tournant du siècle se multiplier les glossaires, mais aussi des découvertes et éditions de textes anciens. Toutefois, malgré l'existence d'un petit bassin de locuteurs actifs, il existe peu d'études (socio-)linguistiques sur les parlers bressans contemporains, qu'il s'agisse de leur évolution sous l'influence du français ou des représentations des langues en présence (patois bressan, francoprovençal, français, voire anglais ou allemand). Si l'on peut avoir accès à ces représentations par des entretiens menés en français (Bert et al. 2009), rares sont les entrevues menées dans la langue pour recueillir ce type d'informations. Dans un contexte de dilalie extrême, la tâche paraît ardue. Le corpus à la base du dictionnaire en ligne DicoFranPro lancé en 2016 et financé par l'Université de Montréal et la région Rhône-Alpes, peut combler en partie cette lacune. DicoFranPro offre, pour son volet bressan, 14.000 exemples audio librement accessibles. Quant au fichier Excel correspondant (non disponible en ligne), comportant dans la première colonne des lemmes du français (ordre alphabétique), il reproduit ces énoncés provenant d'émissions de radio et, surtout, d'entretiens que j'ai menés auprès d'une trentaine de locuteurs (néo-)natifs depuis le début du 21e siècle. Dans les autres colonnes, les exemples audio sont transcrits en écriture phonétique dite de Conflans, puis en graphie supradialectale ORB (Stich 2003) comme "graphie de dialogue" entre diverses variétés du domaine francoprovençal (cf. Meune 2019) – à quoi s'ajoute ensuite la traduction en français. Dans cette riche base de données, la recherche par mots-clés permet de cibler divers champs sémantiques ou caractéristiques de la langue, et nous proposons, dans cette communication, de faire ressortir les représentations des langues en nous concentrant sur certains termes. Ainsi, pour les équivalents du lemme "patois", on trouve quelque 500 occurrences dans la colonne "Conflans" et 1000 dans la colonne pour le français (la différence s'expliquant par l'ajout de précisions sur le sujet abordé lorsque ça n'est pas manifeste). Dans la colonne "Conflans", le concept de "francoprovençal" est peu présent (40), mais il fournit des informations pertinentes. Cette même colonne recèle environ 120 occurrences pour "français", 220 pour "école" – sans oublier des termes comme "parler" (800), "comprendre" (100) ou "écrire" (70). Ces énoncés relevant de la réflexion sur la langue nous permettront d'observer comment sont articulés les thèmes suivants (même si les termes techniques ne sont pas prononcés par les locuteurs): la variation linguistique, la politique scolaire et la domination linguistique, la conscience linguistique individuelle et son évolution, le rapport à l'écriture, à l'apprentissage ou à la transmissiondu ‘patois', l'opposition entre ‘pureté linguistique' et mélange, ou encore certaines questions liées à la reconnaissance de la langue autochtone.
- Bert, Michel/James Costa/Jean-Baptiste Martin. 2009. Étude FORA. Francoprovençal et occitan en Rhône-Alpes. Lyon: Région Rhône-Alpes.
- Meune, Manuel. 2019. "Écrire en francoprovençal de la Bresse à Fribourg: unité originelle, graphies régionales et approche supradialectale". In: Région autonome de la Vallée d'Aoste (ed.). Regards croisés sur la standardisation du francoprovençal [Actes de la Conférence annuelle […] du CEFP, Saint-Nicolas, 11 novembre 2017]. Aoste: RAVdA, 75–93.
- Stich, Dominique. 2003. Dictionnaire francoprovençal/français – français/francoprovençal. Thonon-les-Bains: Le Carré.
Anja Mitschke (Berlin)
Quels sont les défis de parler francoprovençal, occitan et corse? Une analyse à l'aide de l'échelle d'auto-efficacité linguistique
Le concept du sentiment d'efficacité personnelle (cf. Bandura 1997), très connu en psychologie depuis presque 50 ans, s'est avéré valide et fiable pour prédire la réalisation des intentions dans de divers domaines tels que la médecine, le sport et l'apprentissage (cf. Puozzo Capron 2014), mais il n'a pas encore été appliqué au contexte des langues minoritaires. L'auto-efficacité est défini comme la croyance d'un individu en ses propres capacités à accomplir une tâche. Plus un individu est convaincu d'atteindre un but, plus il est probable qu'il réussira; le niveau objectif d'expertise individuelle est moins déterminant que la confiance en soi de pouvoir maîtriser une situation exigeante. Il paraît logique d'utiliser la méthode de mesurer le sentiment d'efficacité personnelle aux locuteurs des langues minoritaires: plus ils sont sûrs de pouvoir gérer une situation communicative en langue minoritaire, plus ils vont y réussir et ainsi promouvoir leur langue. Par conséquent, il n'est pas si important de savoir parler parfaitement la langue en question, mais il est plus significatif d'oser de la parler le plus souvent possible, vu qu'en général les langues minoritaires sont stigmatisées et repoussées aux niches communicatives. L'évaluation de l'auto-efficacité linguistique permet de jeter un coup d'œil sur la vitalité et l'emploi futurs d'une langue. L'avenir des langues comme le francoprovençal, l'occitan et le corse qui sont en concurrence avec les langues officielles dépend de manière décisive du comportement de la communauté des locuteurs dans l'entourage plurilingue. Un sondage avec trois sous-questionnaires concernant les choix de langue en général, la vie privée et la vie professionnelle a été créé selon les instructions données par Bandura (2006). Chaque partie se compose de dix affirmations auxquelles les informateurs ont dû attribuer une valeur entre 0 et 100 pour indiquer à quel degré ils sont convaincus de savoir gérer la situation proposée en langue minoritaire. 250 internautes ont participé au sondage publié sur facebook en 2022. L'analyse des réponses des locuteurs issus des trois domaines linguistiques montrera combien les défis de choisir la langue minoritaire divergent par rapport à plusieurs paramètres. Le degré de persistance à parler la langue minoritaire peut être une indication quant au succès des activités glottopolitiques mises en œuvre dans les régions en question.
- Bandura, Albert. 1997. Self-efficacy. The exercice of control. New York: Freeman & Co.
- Bandura, Albert. 2006. "Guide for constructing self-efficacy scales". In: Frank Pajares/Tim Urdan (eds.). Self-efficacy beliefs of adolescents. Greenwich: Information Age Publishing, 307–337.
- Puozzo Capron, Isabelle. 2014. Le sentiment d'efficacité personnelle d'élèves en contexte plurilingue. Le cas du français au secondaire dans la Vallée d'Aoste. Bern et al.: Lang.
Nicolas Peyrou (München)
Le Nissart en contact linguistique: l'influence française et italienne sur la réalisation de l'accord chez les locuteurs et locutrices du Nissart
Il ne fait aucun doute que l'histoire de la ville de Nice est fortement liée à celle de l'Italie. C'est ainsi que les comtés de Nice et de Savoie n'ont été cédés à la France qu'en 1860, dans le cadre du traité de Turin. Cet événement a eu des répercussions linguistiques: quant aux langues-toit, toute la région a subi l'influence de l'italien et du français (Pescarini 2021, 2) et la variété régionale de Nice, le Nissart, ne semble pas non plus en être exempte. Pour ce qui est de ce parler, nous constatons tout de suite qu'une classification se révèle difficile. Del Giudice (2021, 241) fait remarquer que "selon la tradition des études occitanes, le niçois n'est qu'une variété de provençal". Celle-ci est néanmoins controversée et ainsi certains affirment que le Nissart est une variété mixte ligure-occitane tandis que d'autres prétendent que le Nissart présente des caractéristiques du vieux piémont et du frioulan, avec seulement une légère influence provençale. Selon certains chercheurs il s'agirait même d'une variété indépendante du provençal, ce qui ne s'est néanmoins jamais vérifié sur le plan linguistique. Pour notre communication, il convient tout de même de considérer le nissart comme le dialecte occitan de la ville de Nice (Pescarini 2021, 1), parlé dans le Comté de Nice et sa banlieue (Gasiglia 1984, 72). Renforcé par les différentes tentatives de classification, nous remarquons que le Nissart semble avoir son propre caractère. On peut citer l'exemple du marquage du pluriel, qui se réalise (pour la plupart) à l'aide de déterminants et d'adjectifs (1984, 117), car "les substantifs nissarts ont perdu toute marque de nombre" (1984, 117). Cela diffère du marquage du pluriel sigmatique en français et des autres variétés occitanes, généralement réalisé par l'ajout d'un -(e)s à la forme du singulier du substantif ainsi que l'italien, où le pluriel se réalise généralement par un changement de la voyelle finale: (i) a. niss. la bella filha 'la belle fille', b. niss. li belli filha 'les belles filles'. Cette contribution cherche à présenter des tendances actuelles dans la façon de faire l'accord en genre et en nombre dans la phrase nominale chez les locuteurs du Nissart. Les données de l'analyse s'appuient sur des entretiens avec un total de sept locuteurs natifs, enregistrés en 2022 dans le cadre d'une enquête de terrain. Une attention particulière sera accordée aux différentes réalisations de l'accord, compte tenu de l'origine des participants et de leur données sociodémographiques. Nous verrons que l'accord de la phrase n'est pas toujours constant et que certains phénomènes linguistiques diffèrent de ceux décrits dans la grammaire du Nissart de Gasiglia (1984). Nous remarquerons par ex. que certains participants, à l'instar de l'italien, marquent le pluriel non seulement à l'aide des déterminants, mais aussi directement sur le substantif par un changement de la voyelle finale: (ii) niss. [de.kˈa.ta.nˈe.gʁi] 'des chattes noires' vs [de.kˈa.ti nˈe.gʁi] 'des chattes noires'. La question de savoir dans quelle mesure il s'agit d'effets du contact linguistique avec le français et/ou l'italien sera discutée.
- Del Giudice, Philippe. 2021. "Trajectoire diachronique d'un dialecte composite: le niҫois". Vox Romanica 80, 239–255.
- Gasiglia, Rémy. 1984. Grammaire du Nissart. Essai d description d'un dialecte d'oc. Nice: Institut d'études niçoises.
- Pescarini, Diego. 2021. "Intraclade Contact from an I-Language Perspective. The Noun Phrase in the Ligurian/Occitan amphizone".Languages 6/2, 1–21.
Andrea Rolando (Saint-Nicolas, Vallée d'Aoste)
Le Conjugaverbes, analyse et promotion de la conjugaison francoprovençale
Lors de la promotion d'une variété de francoprovençal on donne souvent beaucoup d'espace au vocabulaire. À cette occasion les verbes se présentent presque exclusivement à l'infinitif. Dans certains cas, la conjugaison est décrite de manière superficielle en montrant les modèles des verbes les plus communs à l'exemple des grammaires des langues-toits de référence. Une approche trop traditionnelle, à imitation des grammaires du français et de l'italien, tel que l'habitude de se baser uniquement sur la désinence des infinitifs pour déterminer l'appartenance d'un verbe à un groupe de conjugaison ou à un autre peut conduire à des erreurs d'interprétation. Le Conjugaverbes veut être une base de données "active", permettant l'enregistrement rapide d'un nouveau verbe à conjuguer; capable de conserver les formes verbales pour la consultation des paradigmes; qui permet à l'utilisateur de savoir, selon la variante, à quel groupe appartient un verbe (cf. Rolando 2015; 2016). Ce logiciel, en plus d'être un outil didactique, permet d'analyser la morphologie des verbes en nous montrant la réalité de variétés appartenant à la même langue, mais qui ont des grammaires différentes. Le francoprovençal se distingue des autres langues romanes par la création d'une nouvelle conjugaison (cf Martin 2023); en quelle mesure l'analogie et les langues nationales influencent ce système? Le Conjugaverbes permet de déterminer la structure de la conjugaison de chaque variante francoprovençale et d'apporter des informations sur l'évolution interne de la langue qui peuvent intéresser d'une part l'étude du point de vue de la sociolinguistique et de la linguistique historique et d'une autre part la promotion des variétés ou de formes koinéisantes du francoprovençal.
- Martin, Jean-Baptiste. 2023. "La conjugaison verbale francoprovençale". Par-delà la dialectologie: de l'étude de la variation à la gestion de la complexité, Conférence annuelle du Centre d'études francoprovençales René Willien, 14 octobre 2023.
- Rolando, Andrea. 2015. "Le projet CONJUGAVERBES, la conjugaison francoprovençale pour tous: la recherche au service de l'enseignement". Transmission et valorisation des langues régionales dans l'espace gallo-roman, vendredi 6 mars 2015, Journée d'études dans le cadre de l'ARC 5 "Conscience linguistique dans l'Arc Alpin", Grenoble: Université Stendhal.
- Rolando, Andrea. 2016. "La conjugaison verbale francoprovençale valdôtaine. Réflexion à propos des verbes en patois. Une aide aux maîtres de patois valdôtains". Nouvelles du Centre d'études francoprovençales René Willien 74, 48–55.
Céline Rumpf (Neuchâtel)
Perspectives diachroniques sur l'évolution des termes d'origine francoprovençale dans le français régional du Valais
Cette communication se consacrera à la vitalité de mots attestés en francoprovençal qui possèdent des équivalents similaires dans le français régional du canton du Valais, en Suisse romande. On pense notamment à des mots tels que darbon ('taupe'), tachon ('blaireau'), carotte rouge ('betterave') ou huitante ('quatre-vingts'), comme exemples d'éléments qui semblent, a priori, ancrés dans le lexique de cette région francophone. L'objectif de cette recherche est de mettre en lumière l'influence du substrat francoprovençal sur le français parlé en Valais. Après un examen de l'Atlas Linguistique de la France (ALF), la consultation de relevés dialectaux tels que les Tableaux Phonétiques des Patois Suisses romands (TPPSR), l'étude de dictionnaires de patois (Maître/Flückiger/Pannatier 2019; Favre 2002; Follonier-Quinodoz 1989), nous avons soigneusement sélectionné 45 mots à tester. Pour évaluer la vitalité de ces éléments lexicaux, des entretiens ont été conduits avec des locuteurs issus de différentes localités valaisannes, avec un quota de huit individus par localité. Afin de tester la vitalité des termes candidats, on a présenté à chaque témoin un diaporama d'images mettant en scène lesdits items, et en les invitant à décrire ce qu'ils voyaient à l'écran. L'objectif était de déterminer si le locuteur proposait spontanément l'item lexical issu du francoprovençal ou s'il optait pour l'item lexical standard, tel qu'on le trouve dans les dictionnaires du français référence, sans marque régionale. L'analyse des données s'est déroulée simultanément sur deux plans, grâce à un outil commun: la cartographie. Les données issues des diverses ressources dialectologiques (ALF, TPSR) ainsi que celles recueillies sur le terrain seront traitées de manière que leurs résultats puissent être cartographiés, facilitant ainsi leur intégration dans un espace linguistique spécifique. Le traitement des données s'est fait principalement à l'aide du logiciel R, un outil puissant permettant de trier, de coder et de réaliser des calculs statistiques sur les résultats de chaque corpus, tout en facilitant la création des cartes. Enfin, nous avons entrepris une analyse comparative des cartes sur le plan diachronique, en confrontant les ressources dialectologiques plus anciennes avec les données actuelles collectées sur le terrain. Comme mentionné précédemment, l'échantillon de participants offrira une opportunité d'interpréter les données en observant les variations en fonction de l'âge des participants. En somme, cette méthodologie complète vise à offrir une compréhension approfondie de la dynamique lexicale dans le français régional du Valais, établissant ainsi des liens entre les influences francoprovençales historiques et les expressions contemporaines. Nous observerons des phénomènes de concordances entres les aires de réalisation des items lexicaux issus du francoprovençal et ceux du français régional. Nous aurons aussi l'occasion de repérer d'autres phénomènes, tels que l'expansion de l'utilisation d'un régionalisme: un mot provenant d'un patois local intègre le français local et se diffuse, par la suite, dans d'autres régions.
- Favre, Victor. 2002. Dictionnaire français - patois d'Isérables. Isérables: Favre.
- Follonier-Quinodoz, Marie/Knecht, Pierre. 1989. Olèïnna: dictionnaire du patois d'Evolène. La Sage/Evolène: Follonier.
- Maître, Raphaël/Flückiger, Eric/Pannatier, Gisèle. 2019. Dictionnaire du patois de Bagnes – Lexique d'un parler francoprovençal alpin. Bagnes: Patoisants de Bagnes.
Roger Schöntag (Mannheim)
Procès de normalisation linguistiques: Le monégasque et autres variétés de transition entre l'occitan et le gallo-italique
Le monégasque (mon. munegascu) est une variété de diaspora sur la côte d'Azur, née par l'expansion de la république de Gênes dans le 13ème siècle (cf. Dalbera 2013), c'est-à-dire un dialecte gallo-italique avec des interférences par l'occitan (cf. Sumien 2006) ou plus précisément par le provençal adjacent et ses sous-dialectes. Comme variétés voisines on peut identifier le mentonasque, (occ. mentounasc) de Menton, un peu plus loin dans le nord l'alpin-ligurien de la vallée de la Roya, le royasque (et entre autres aussi le tendasque, le brigasque), et à l'ouest sur la côte, le nissart, le dialecte occitan de Nice. Les variétés diatopiques y forment un continuum dans la zone linguistique des langues romanes, mais cette homogénéité est interrompue par le monégasque (cf. Forner 2016) comme variété migratoire. Dans les vallées alpines, qui sont assez reculées, on peut constater une influence assez forte des facteurs géographiques sur la genèse et le changement de l'espace linguistique. Le but de l'analyse présente est d'une part de documenter les efforts concernant le maintien, la normalisation et la standardisation du monégasque comme severely endangered minority language sous l'influence de la langue dominante du français, et d'autre part, de trier les caractéristiques linguistiques de la continuité et de la discontinuité entre l'occitan (alpin) et le ligurien (alpin) qui marquent cette zone de transition diatopique.
- Dalbera, Jean-Philippe. 2013. "Le ligurien". In: Georg Kremnitz (ed.). Histoire sociale des langues de France. Rennes: Presses Universitaires de Rennes, 503–509.
- Forner, Werner. 2016. "Das mentonaskische Verbalsystem: eine vergleichende Analyse mit einem Postscriptum zu Verschriftung und Normierung". In: Wolfgang Dahmen et al. (eds.). Romanische Kleinsprachen heute. Romanistisches Kolloquium XXVII. Tübingen: Narr, 149–196.
- Sumien, Domergue. 2006. La standardisation pluricentrique de l'occitan. Nouvel enjeu sociolinguistique, développement du lexique et de la morphologie. Turnhout: Brepols.
Marianne Vergez-Couret (Poitiers)
OcOr, un corpus annoté de contes et récits en occitan: méthodes, défis et solutions
Dans cette présentation, nous souhaitons présenter notre méthodologie pour l'annotation d'un corpus de narration orale en occitan, menée dans le cadre du projet EXPRESSIONARRATION (Horizon 2020; Marie Sklodovska Curie Fellowship). Il s'agit d'un corpus unique, écrit et oral, nommé OcOr, dans une langue minorisée, ce qui soulève un certain nombre de défis particuliers. L'objectif du projet était d'explorer la relation entre langage et oralité avec un focus spécifique sur les traits temporels de la narration orale en occitan et en français (connecteurs, temps verbaux, adverbiaux temporels…). Le corpus OcOr contient trois sous-corpus occitans qui reflètent différents "degrés d'oralité" (Carruthers/Vergez-Couret 2018: (i) Les contes et récits d'OWT (occitan_written_traditional) proviennent d'œuvres écrites qui sont des collections de contes et récits collectées oralement puis publiées dans un but de sauvegarde du patrimoine de la littérature orale; (ii) Les contes et récits d'OOT (occitan_oral_traditional) proviennent de collectes enregistrées qui ont été entreprises dans un but de sauvegarde du patrimoine de la littérature orale et de la langue occitane; (iii) Les contes et récits d'OOC (occitan_oral_contemporary) sont des performances orales de "nouveaux conteurs" occitans. Il a été constitué et annoté avec pour objectif de soutenir des analyses qualitatives et quantitatives sur la relation entre langage et oralité, à travers une analyse sémantique et discursive des traits temporels ayant des fonctions particulières dans le cas des narrations orales, tels que les temps verbaux, les connecteurs temporels entre propositions narratives et les adverbiaux de localisation temporelle en initiale de phrase jouant le rôle structurant de cadres de discours (Carruthers/Vergez-Couret 2021; Carruthers/Vergez-Couret 2023). Après avoir constitué un corpus brut de contes et récits en français et en occitan (Carruthers/Vergez-Couret 2018), nous avons procédé à une annotation de ce corpus. Autrement dit le corpus a été enrichi avec des informations supplémentaires dans le but de permettre une analyse qualitative et quantitative des traits temporels décrits dans la section précédente. L'objectif de cette annotation est de discrétiser un phénomène et de faire émerger des catégories pertinentes pour l'analyse des connecteurs, des cadres de discours et des temps verbaux sur la trame narrative en vue de leur analyse, de la localisation des éléments dans la structure plus globale des contes et récits, de l'ajout d'information qui puissent être lisibles par l'homme (pour les analyses qualitatives) et par la machine (pour les analyses quantitatives), et enfin l'établissement de généralités sur l'emploi des traits temporels dans les quatre sous-corpus. La constitution d'un corpus pour une langue minorisée comme l'occitan pose un certain nombre de défis méthodologiques particuliers adressés dans Carruthers/Vergez-Couret (2018) tels que la rareté des données textuelles numériques, la variation dialectale et graphique, la transcription (de l'oral vers une forme écrite) et la transgraphie (passage d'un code graphique à un autre), la variation diachronique, la variété des types de contes et récits. Ces particularités représentent également des défis pour la tâche d'annotation, nous présenterons les défis relevés et les solutions méthodologiques apportées.
- Carruthers, Janice/Vergez-Couret, Marianne. 2018. Méthodologie pour la constitution d'un corpus comparatif de narration orale en occitan: objectifs, défis, solutions, Corpus18.
- Carruthers, Janice/Vergez-Couret, Marianne. 2021. "Temporal Structuresin Occitan and French Oral Narrative: The Role of Frames and Connectives". Lingvisticae Investigationes 44/1, 1–36.
- Carruthers, Janice/Vergez-Couret, Marianne. 2023. "Temporal Patterning and ‘Degrees of Orality' in Occitan and French Oral Narrative".Oral Tradition 36/1, 91–122.
Marinus Wiedner (Freiburg im Breisgau)
Le genre grammatical en languedocien et en provençal médiévaux
Cette communication traite le genre grammatical en occitan médiéval, surtout du XIVe siècle. Pour ce faire, je considère deux zones dialectales différentes, notamment le provençal et le languedocien. Historiquement, le provençal a surtout été influencé par les dialectes de l'italien du nord tandis que le languedocien s'est plutôt orienté vers le catalan et le castillan. Les deux dialectes ont des langues de contact différentes mais sont au même temps toutes deux influencées par le français. Je m'intéresse au genre grammatical et son développement du latin vers l'occitan d'aujourd'hui. Le genre est défini comme suit: "Genders are classes of nouns reflected in the behavior of associated words" (Hockett 1962, 231). Généralement, il y avait une réduction de genre dans la diachronie des langues romanes: le latin en connaissait trois (féminin, masculin, neutre) tandis que la plupart des langues romanes standards en connait deux, le neutre ayant disparu (cf. Loporcaro 2018, 12). Mais un aperçu plus détaillé des langues minoritaires et des dialectes régionaux révèle des systèmes de genre plus variés (cf. Loporcaro 2018, 62). Afin de faire une analyse contrastive entre ces deux zones dialectales, je suis en train de créer un corpus équilibré pour les deux variétés. Pour ce faire, j'utilise Transkribus, un outil de reconnaissance automatique de l'écriture manuscrite à base d'une intelligence artificielle. J'ai développé un modèle de transcription automatique publiquement disponible, le modèle "Old Occitan Handwriting" (Wiedner 2023), que j'ai utilisé pour la création de mon corpus d'occitan médiéval. Ce modèle a été entrainé avec à peu près 190.000 tokens issus de 7 textes différents. Le taux d'erreur des caractères est de 2,6% sur l'ensemble d'apprentissage et de 3,51% sur l'ensemble de validation. Pour la création du corpus, j'ai avant tout utilisé des textes conservés à la Bibliothèque nationale de France à Paris ainsi qu'à la British Library à Londres. Jusqu'à présent, j'ai rédigé 9 textes dont 3 ont été rédigés en Provence (51.696 tokens) et 6 en Languedoc (268.248 tokens), mais il est envisagé d'utiliser en tout 12 textes par région. Mais même avec ce corpus déséquilibré, il est évident qu'ils existent des différences entre les deux dialectes étudiés, comme le montre l'exemple de man 'main': nous relevons 137 occurrences de man dans mon corpus, dont 40 en provençal et 97 en languedocien. En Provence, il y a 18% d'occurrences au masculin, 73% au féminin et 10% qui restent indéterminable. En Languedoc, il y a 11% au masculin, 86% au féminin et 2% d'occurrences indéterminables. Il est déjà évident qu'ils existent des différences entre les deux régions. Bien que la tendance aille dans le même sens, le masculin semble être plus présent en provençal qu'en languedocien. Il s'agit d'une première étude de la variation de genre dans ces deux zones dialectales. Je vise à étudier cette variation à l'aide de 10 doublons de genre, dans le but de mettre la variation en relation avec des influences éventuelles du catalan ou de l'italien respectivement.
- Hockett, Charles Francis. 1962. A course in modern linguistics. New York: Macmillan.
- Loporcaro, Michele. 2018. Gender from Latin to Romance. history, geography, typology. Oxford: University Press.
- Wiedner, Marinus. 2023. OldOccitanHandwriting, (Modell-Nr. 52822, CER=3,51 %), PyLaia-model for handwritten Occitan, 13th and 14th century. https://readcoop.eu/de/modelle/old-occitan-handwriting/.
10. Variation et variétés du français: représentations, perceptions et attitudes
La langue française ne constitue pas un ‘système’ homogène et stable, mais se caractérise – comme toutes les langues – par le contact avec d’autres langues et d’autres cultures à travers le monde. Ce contact se reflète dans la variation géographique, sociale et stylistique, qui se manifeste à différents niveaux linguistiques (morphosyntaxe, phonologie, lexique, etc.). La section, organisée en coopération avec l’Association for French Language Studies (AFLS), sera dédiée aux représentations, aux perceptions et aux attitudes envers cette variation (cf. Krefeld/Pustka 2010): comment les locuteurs et locutrices imaginent et jugent-ils cette variation (représentations, attitudes) et comment réagissent-ils à celle-ci quand ils sont confrontés à des productions concrètes (perception)? Comment regroupent-ils la variation observable dans les productions langagières sous forme d’entités cognitives comme des variétés (cf. Remysen 2014) et associent des variantes, notamment shibolleths à des locuteurs-modèles prototypiques voire stéréotypiques (Pustka 2009)? Comment la variation régionale interagit-elle avec la variation sociale et stylistique (Krefeld/Pustka 2010)? Quelles variantes et combinaisons de variantes sont considérées comme normatives dans différentes régions de la francophonie (Walsh 2016, Chalier 2021)? Comment des facteurs non-linguistique comme le genre ou l’ethnie influencent-ils la perception des langues et variétés (Arnold/Candea 2015)?
La section sera organisée autour des axes de recherche suivants:
- Cadres théoriques: comment différentes théories modélisent-elles les représentations, perceptions et attitudes linguistiques (par ex. sociolinguistique variationniste, linguistique des variétés, dialectologie perceptive, sociolinguistique cognitive, etc.)? Comment pourrait-on les synthétiser et quelles sont les questions ouvertes soulevées par la comparaison des théories?
- Approches méthodologiques: quelles nouvelles approches permettent d’analyser systématiquement les représentations, perceptions et attitudes (par ex. questionnaires en ligne avec des stimuli manipulés, entretiens en groupe de discussion (focus groups), tâches créatives)?
- Description de la variation et des variétés du français: comment se construit l’espace de la variation et des variétés du français dans l’imaginaire linguistique des locuteurs et locutrices natives et non-natives?
- Évaluation et application didactique (en synchronie et en diachronie): quelle(s) variété(s) est/sont considérée(s) comme portant du prestige manifeste ou latent? Quel modèle légitime enseigner ou apprendre?
Bibliographie
- Arnold, Aron/Candea, Maria. 2015. "Comment étudier l'influence des stéréotypes de genre et de race sur la perception de la parole?". Langage et Société 152, 67–88.
- Chalier, Marc. 2011. Les normes de prononciation du français. Une étude perceptive panfrancophone. Berlin/Boston: De Gruyter.
- Krefeld, Thomas/Pustka, Elissa (eds.). 2010. Perzeptive Varietätenlinguistik. Frankfurt am Main et al.: Lang.
- Pustka, Elissa. 2009. "A prototype-theoretic model of Southern French". In: Kate Beeching/Nigel R. Armstrong/Françoise Gadet (eds.). Sociolinguistic Variation in Contemporary French. Amsterdam/Philadelphia: Benjamins, 77–94.
- Remysen, Wim. 2014. "Les Québécois perçoivent-ils le français montréalais comme une variété topolectale distincte? Résultats d’une analyse perceptuelle exploratoire". Revue canadienne de linguistique 59/1, 109–135.
- Walsh, Olivia. 2016. Linguistic Purism: Language Attitudes in France and Quebec. Amsterdam/Philadelphia: Benjamins.
25 septembre
9.00–10.30 | Keynote 1: Variation et temporalité dans le conte oral (Janice Carruthers) |
Kaffeepause – Pause café | |
Les textes métalinguistiques et les attitudes envers la langue française | |
11.00–11.30 | Attitudes towards regional French in an eighteenth-century metalinguistic text (Olivia Walsh) |
11.30–12.00 | Les discours sur le français parlé dans les Pays-Bas: à propos du français des "Wallons" de la fin du XVIe au début du XIXe siècle (Michel Berré) |
Mittagspause – Pause déjeuner | |
Le français en dehors de la France | |
16.00–16.30 | Les africanismes dans le Petit Robert. Construction et évaluation de l'espace des variétés françaises en lexicographie (Ursula Reutner) |
16.30–17.00 | Plurilinguisme et hégémonie linguistique en Afrique de l'Ouest. Une étude sociolinguistique sur les attitudes envers le français au Togo (Valentina Fabris) |
17.00–17.30 | Constructions interrogatives en français québécois: usage et forme prosodique (Chiara Dorda, Christoph Gabriel) |
26 septembre
Les attitudes envers le français parlé | |
9.30–10.00 | Qui est-ce? Étude perceptive de l'oralité mise en scène dans la bande dessinée (Marylise Rilliard, Sabine Leis) |
10.00–10.30 | Représentations linguistiques et attitudes des locuteurs dans les Enquêtes Sociolinguistiques à Orléans: quelle évolution en micro-diachronie? (Marie Skrovec, Britta Thörle, Britta Gemmeke) |
Kaffeepause – Pause café | |
11.00–12.30 | Keynote 2: Variation, variétés, variantes: le rôle des médias (Mairi McLaughlin) |
Mittagspause – Pause déjeuner | |
16.00–16.30 | Présentation des nouveaux Manuals of Romance Linguistics |
16.30–17.30 | Vin d'honneur |
27 septembre
La variation socio-phonétique | |
9.30–10.00 | Perception of nasal vowels in L2 French through the lens of eye- tracking (Laura Hund, Svenja Krieger, Tanja Kupisch) |
10.00–10.30 | La liaison au prisme de l'oculométrie: une étude auprès de lecteurs débutants et avancés (Elisabeth Heiszenberger) |
Kaffeepause – Pause café | |
Le français et les migrants africains | |
11.00–11.30 | Le français dans l'Afrique subsaharienne multilingue – une perspective sociolinguistique des réfugiés francophones en Allemagne (Eleni Kanli) |
11.30–12.00 | Les restructurations des ressources associées aux français de personnes congolo-françaises en Lorraine (Peter Reimer) |
12.00–12.30 | Attitudes linguistiques envers le nouchi – Ivoiriennes et Ivoiriens au Canada et en Allemagne (Maj-Britt Wesemeyer) |
Janice Carruthers (Belfast)
Variation et temporalité dans le conte oral
Cette communication abordera la relation entre la temporalité et l'oralité dans un corpus comparatif de contes oraux en français et en occitan. Le corpus comprend des narrations qui représentent plusieurs paramètres de variation selon la provenance des histoires (locale, régionale, internationale), la source (orale, écrite, orale et écrite), le canal de diffusion (écrit, oral), le contexte de transmission (lecture, performance dans la tradition orale, performance contemporaine) etc. En m'appuyant sur diverses approches théoriques et méthodologiques (par ex. Labov et Waletzky 1997; Charolles 1997; Le Draoulec et Bras 2007), je propose d'explorer la variation au niveau de l'emploi des temps, des connecteurs et des cadres.
- Charolles, M. (1997). "L'Encadrement du discours: Univers, champs, domaines et espaces". Cahiers de recherche linguistique 6, 1–73.
- Labov, W./Waletzky, J. (1967). "Narrative analysis: Oral versions of personal experience". In: June Helm/John McNeish (eds.). Essays on the Verbal and Visual Arts: Proceedings of the 1966 Annual Spring Meeting of the American Ethnological Society. Seattle: University of Washington Press, 12–44.
- Le Draoulec, Anne/Bras, Myriam (2007). "Alors as a possible temporal connective in discourse". In: Louis de Saussure et al. (eds.). Tense, Mood and Aspect: Theoretical and Descriptive Issues. Amsterdam: Rodopi, 81–94.
Dorda Chiara, Gabriel Christoph (Mainz)
Constructions interrogatives en français québécois: usage et forme prosodique
Avec l'interrogation en -tu, le français québécois connaît une forme morphologiquement marquée qui n'est plus en usage en Europe (Comeau et al. 2022). Contrairement au français hexagonal, le mode interrogatif n'est pas marqué par une inversion sujet-verbe (Vient[S]-il[V]?), les formules fixes (Est-ce qu'il vient?) ni par un contour F0 montant (Il[V] vient[S]? H%), mais par le morphème [tsy], dérivé de séquences VS comme Vient-il?. Les questions en -tu sont courantes dans des contextes informels, surtout parmi les jeunes et les locuteurs moins éduqués (Elsig 2009). Cependant, leur prosodie reste inexplorée. En particulier, la question se pose de savoir si et dans quelle mesure les questions en -tu se produisent avec des contours F0 spécifiques – tant au niveau phonétique que dans le contexte d'une modélisation phonologiques dans le cadre autosegmental-métrique (Delais-Roussarie et al. 2015). L'évaluation d'un corpus de parole enregistré en septembre 2023 à l'aide d'un Discourse completion task et comprenant 50 ensembles de données a montré que l'interrogation en -tu est plus fréquemment utilisée par les locuteurs plus jeunes (n = 17, âges 19–35) et notamment dans des contextes absolues neutres, dans des commandes et dans des exclamations. L'analyse tonale révèle des contours descendants (L%) dans certains contextes, notamment lorsqu'ils impliquent des commandes (On peut-tu y aller?). Les analyses futures montreront si la distribution de L% en français québécois diffère de celle observée dans les variétés européennes.
- Comeau, Philip et al. 2022. "Continuity and change in the evolution of French yes-no questions. A cross-variety perspective". Diachronica 39, 616–657.
- Delais-Roussarie, Elisabeth et al. 2015. "Intonational phonology of French. Developing a ToBI system for French". In: Sónia Frota/Pilar Prieto (eds.). Intonation in Romance. Oxford: Oxford University Press, 63–100.
- Elsig, Martin. 2009. Grammatical variation across space and time. The French interrogative system. Amsterdam: Benjamins.
Valentina Fabris (Sarrebruck)
Plurilinguisme et hégémonie linguistique en Afrique de l'Ouest. Une étude sociolinguistique sur les attitudes envers le français au Togo
La communication a pour but d'étudier les attitudes (Krefeld/Pustka 2010) des Togolaises et Togolais envers le français. Au Togo, comme dans beaucoup d'autres pays d'Afrique, le français se trouve dans la position ambiguë d'ancienne langue coloniale et actuelle langue officielle d'un côté, mais souvent non représenté en tant que L1 dans les familles de l'autre côté (Ngalasso‑Mwatha 1990). Tandis que les enfants apprennent d'abord une des langues nationales Ewé ou Kabiyè ou encore une autre langue autochtone du Togo, le français persiste donc en tant que langue de l'ascension sociale, de l'accès à l'éducation et à l'administration (Chaudenson 1990). Compte tenu du contexte historique colonial et de la question de savoir si l'on peut considérer la langue française au Togo comme une variété "propre", tant du point de vue linguistique qu'identitaire, une étude sur les attitudes linguistiques est ici particulièrement intéressante. L'étude se base sur les réponses à une enquête anonyme en ligne, menée en 2022, qui a permis de recueillir 118 réponses exploitables. Outre des données démographiques élémentaires, ces réponses fournissent des informations sur les biographies linguistiques des participants, leur utilisation de la/de leurs première/s langue/s et du français dans les différents domaines de la vie quotidienne et, en fin de compte, sur leurs attitudes envers le français. Enfin, le questionnaire offrait également la possibilité d'exprimer ses opinions et idées personnelles sur la promotion des langues locales. Ainsi, l'analyse de ces données permet de dessiner un panorama détaillé de la situation sociolinguistique du français au Togo.
- Chaudenson, Robert. 1990. "Derecho a la lengua, a la educación y a la comunicación en los países en vías de desarrollo del espacio francófono". In: Miguel Siguan (ed.). Las lenguas y la educación para la paz. Barcelona: ICE de la Universidad de Barcelona/HORSORI, 159–171.
- Krefeld, Thomas/Pustka, Elissa (eds.). 2010. Perzeptive Varietätenlinguistik. Frankfurt am Main et al.: Lang.
- Ngalasso-Mwatha, Musanji. 1990. "El francés en África: situación, estatuto, problemas de enseñanza". In: Miguel Siguan (ed.). Las lenguas y la educación para la paz. Barcelona: ICE de la Universidad de Barcelona/HORSORI, 173–180.
Britta Gemmeke (Siegen), Marie Skrovec (Orléans), Britta Thörle (Siegen)
Représentations linguistiques et attitudes des locuteurs dans les Enquêtes Sociolinguistiques à Orléans (1968–2008): quelle évolution en micro-diachronie?
Les Enquêtes SocioLinguistiques à Orléans (ESLO), menées entre 1968 et 1974 par des chercheurs britanniques dans l'objectif de dresser le "portrait sonore d'une ville par ses habitants" et reprises à partir de 2008 avec ESLO2 (Baude/Dugua 2011), constituent aujourd'hui l'un des principaux corpus sociolinguistiques du français parlé. L'intervalle de 40 ans entre les deux périodes de collecte offre par ailleurs la possibilité d'études micro-diachroniques (cf. Abouda/Skrovec 2022). Alors que les travaux sur les usages sont nombreux, les représentations linguistiques (Krefeld/Pustka 2010) et les attitudes observables dans le corpus n'ont en revanche guère fait l'objet d'études ciblées jusqu'à présent. Dans cette contribution, nous proposons l'étude du corpus ESLO dans une perspective micro-diachronique à partir du sous-corpus des "Entretiens" dans ESLO1 et ESLO2. Dans ces entretiens semi-directifs, la question des représentations et des attitudes linguistiques sont explicitement abordées (par des questions telles que "Est-ce qu'il y a une façon de parler propre à Orléans?", "Est-ce qu'il y a des choses qui vous agacent ou qui vous amusent dans la façon de parler de certaines personnes?"). Dans une première étape, les énoncés relatifs aux pratiques personnelles et aux divers usages linguistiques sont tout d'abord récupérés en fonction des métadonnées sociolinguistiques disponibles et catégorisés selon les auto- et hétéro-représentations qu'ils expriment. Dans une deuxième étape comparative, nous examinerons dans quelle mesure les représentations évoluent en fonction de certaines questions (désignation de variétés, évaluation d'usages linguistiques, pertinence des normes, etc.) et de groupes de locuteurs.
- Abouda, Lotfi/Skrovec, Marie. 2022. "Micro-diachronie de l'oral". Langages 226, 9–24.
- Baude, Olivier/Dugua, Céline. 2011. "(Re)faire le corpus d'Orléans quarante ans après:quoi de neuf, linguiste?". Corpus 10. https://doi.org/10.4000/corpus.2036
- Krefeld, Thomas/Pustka, Elissa. 2010. "Für eine perzeptive Varietätenlinguistik". In: Thomas Krefeld/Elissa Pustka (eds.). Perzeptive Varietätenlinguistik. Frankfurt am Main et al.: Lang, 9–28.
Elisabeth Heiszenberger (Wien)
La liaison au prisme de l'oculométrie: une étude auprès de lecteurs débutants et avancés
La liaison (par ex. lesamis [le.za.mi]) compte parmi les phénomènes ayant eu le plus d'impact sur le développement des théories phonologiques: de la phonologie générative (Schane 1967; Encrevé 1988) jusqu'aux approches exemplaristes (Bybee 2001). Cependant, il s'agit d'un phénomène variable et multifactoriel qui, en plus du niveau phonologique, implique d'autres niveaux (extra-)linguistiques (Durand et al. 2011). Après avoir nourri des théories phonologiques depuis un siècle, le statut lexical de la consonne de liaison continue d'être l'objet d'un débat théorique central. Étant donné l'accès généralisé à la littératie, il est surprenant que jusqu'ici les phonologues n'ont guère pris en compte le possible rôle de l'orthographe dans les représentations phonologiques de la liaison (Laks 2005). L'objectif de la présente étude est double: premièrement, elle vise à s'inscrire dans le débat théorique autour du statut lexical des consonnes de liaison en examinant la liaison catégorique et variable dans de nouvelles populations: chez des élèves monolingues et bilingues franco-allemands ayant différents niveaux de lecture (élèves du CP vs collégiens/lycéens). Deuxièmement, elle cherche à éclaircir la façon dont l'apprentissage de la lecture et de l'écriture influence notre parole à l'oral. L'impact de l'orthographe sera examiné, entre autres, à travers l'analyse d'une expérience d'oculométrie menée en 2023 par 48 lecteurs débutants (fin CP) et 48 lecteurs avancés (collégiens/lycéens). Il s'agit d'une tâche de lecture à voix haute dans laquelle des phrases courtes contenant soit des contextes de liaison (par ex. Je vois un éléphant.) soit des distracteurs (par ex. Je vois un chat.) ont été présentées individuellement. Pour la présente étude, nous avons analysé les points de fixations et le temps de fixation en centrant les analyses sur la lettre finale du premier mot (par ex. Je vois un éléphant.). Les premiers résultats montrent que lors de la lecture à haute voix les élèves du CP réalisent nettement moins de liaisons que les collégiens et lycéens (56% vs 84%). Toutefois, notamment chez les lecteurs débutants, nous observons des différences interindividuelles importantes: alors que les taux de réalisation de certains enfants sont similaires à ceux obtenus par les adolescents, certains enfants ne réalisent aucune liaison en lecture à voix haute. Les mouvements oculaires des élèves du CP montrent qu'en lecture à voix haute, la consonne finale du premier mot n'est que très rarement fixée, même si la liaison est réalisée. Ce sont plutôt les participants ayant un faible niveau de lecture qui fixent la consonne finale. Cela semble être dû au fait que les derniers ont tendance à fixer généralement plus les lettres individuelles que les lecteurs plus avancés, qui semblent déjà utiliser une stratégie de lecture globale. Dans certains cas, on observe que les enfants se reprennent en relisant la phrase comme à l'oral (par ex. Je vois un ∅éléphant, un [n]éléphant.). Les résultats suggèrent donc que contrairement à d'autres variables phonologiques, comme le /ʁ/ variable dans quatre [katʁ]/[kat] (Chevrot 1998), à ce stade les enfants semblent davantage projeter l'usage oral de la langue sur l'écriture que l'écriture sur l'usage oral de la langue.
- Bybee, Joan. 2001. Phonology and Language Use. Cambridge: CUP.
- Chevrot, Jean-Pierre. 1998. "Acquisition phonologique tardive et apprentissage de la lecture-écriture". Travaux de l'Institut de Phonétique de Strasbourg 28, 19–37.
- Durand, Jacques/Lyche, Chantal. 2008. "French liaison in the light of corpus data". Journal of French Language studies 18/1, 33–66.
- Encrevé, Pierre. 1988. La liaison avec et sans enchaînement. Paris: Seuil.
- Laks, Bernard. 2005. "La liaison et l'illusion". Langages 139, 101–125.
- Schane, Sanford A. 1967. "L'élision et la liaison en français". Langages 2/8, 37–59.
Eleni Kanli (Tübingen)
Le français dans l'Afrique subsaharienne multilingue – une perspective sociolinguistique des réfugiés francophones en Allemagne
En 2070, environ 90% des locuteurs mondiaux de moins de 30 ans ayant le français comme langue principale vivront en Afrique, en particulier dans les 18 États africains subsahariens où le français est parlé, comme le Cameroun et le Sénégal (OIF 2022, 20–24). Le français en Afrique est marqué par la multiplicité des rôles qu'il peut assumer dans les anciens États coloniaux: Alors qu'il est par exemple la seule langue officielle au Sénégal et qu'il est compris par plus de 50% de la population, l'anglais et le français se partagent ce statut au Cameroun. Dans d'autres États, le français est la langue véhiculaire et entre en concurrence avec une ou plusieurs langues africaines (par exemple au Burkina Faso) (Reutner 2017). De cette situation complexe de contact linguistique découlent de nombreux thèmes de recherche, tels que l'utilisation du français dans des contextes de langue proche et distante et sa coexistence avec d'autres langues européennes et africaines (Reutner 2017). La conférence suivante présente des extraits d'entretiens sociolinguistiques avec des réfugiés d'Afrique subsaharienne qui vivent à Baden-Württemberg. En partant de portraits linguistiques (Busch 2021), il s'agira de répondre à des questions sur l'usage du français dans la vie quotidienne et professionnelle, sur le rôle de cette langue lors de leur fuite et en Allemagne ainsi que sur l'attitude personnelle vis-à-vis du français et d'autres langues (nationales). Le but est d'obtenir un aperçu différencié des pratiques linguistiques plurilingues et dynamiques de ce groupe. Les interviews seront accessibles sous forme de podcasts à un large public afin de pouvoir les utiliser, par exemple, dans l'enseignement universitaire ainsi que dans l'enseignement du français dans les lycées.
- Busch, Brigitta. 32021[2013]. Mehrsprachigkeit. Wien: Facutas UTB.
- Organisation Internationale de la Francophonie. 2022. La Langue françaisedans le monde 2018–2022. Paris: Gallimard.
- Reutner, Ursula. (ed.) 2017. Manuel des francophonies. Berlin/New York: De Gruyter.
Sabine Leis, Marylise Rilliard (Wien)
Qui est-ce? Étude perceptive de l'oralité mise en scène dans la bande dessinée
La BD représente une ressource précieuse pour la linguistique en ce qu'elle propose une mise en scène des pratiques orales. Cependant, cette oralité mise en scène ne reflète pas de manière fidèle l'oral spontané: elle est à la fois un reflet des perceptions et représentations du langage et un produit des choix stylistiques des bédéistes. L'usage de variantes orales et de traits innovants que l'on retrouve notamment dans les vernaculaires urbains contemporains (VUC) fait partie de nombreuses stratégies linguistiques utilisées par les bédéistes dans ces représentations stylisées (Pustka 2022). Cette mise en scène de l'oralité peut être stéréotypisante, d'autant plus que le visuel peut participer à renforcer l'influence de stéréotypes liés à certains groupes sociaux sur la perception de la parole (Arnold/Candea 2015). Cette étude propose d'examiner comment des variantes typiques de l'oral et des VUC telles qu'utilisées dans la BD contemporaine sont perçues à travers le filtre des représentations afin de définir des catégories préliminaires pour de futures études de perception. À l'instar de Carruthers/McAuley (2022), qui ont étudié la perception de traits phonétiques des VUC, cette étude emploie la méthode des focus groups pour examiner les perceptions liées à des variables appartenant à différents niveaux linguistiques: l'omission des voyelles (par ex. m'nsieur), le marqueur discursif genre, les emprunts arabes (par ex. wesh) ainsi que l'omission du ne de négation. Lors d'une tâche de perception visuelle, des Grenoblois et Grenobloises d'âges variés issus de la classe moyenne et regroupés dans quatre focus groups de trois à cinq personnes seront amenés à commenter des bulles de BD individuellement ainsi qu'en groupe.
- Arnold, Aron/Cadea, Maria. 2015. "How to Study the Influences of Race and Gender on the Speech's Perception?". Langage et société 152/2, 75–96.
- Carruthers, Janice/McAuley, Daniel. 2022. "Indexicalities in the Multilingual City. Listeners' Perceptions of Urban Vernacular French". In: Wendy Ayres-Bennett/Linda Fisher (eds.). Multilingualism and Identity: Interdisciplinary Perspectives. Cambridge: Cambridge University Press, 109–130.
- Pustka, Elissa (ed.). 2022. La bande dessinée. Perspectives linguistiques et didactiques. Tübingen: Narr.
Mairi McLaughlin (Berkeley)
Variation, variétés, variantes: le rôle des médias
Dans cette communication, je me propose d'examiner le rôle joué par les médias dans la construction et la diffusion de représentations et d'attitudes liées à la variation linguistique, aux variétés de langue, et aux variantes elles-mêmes. La première partie de la communication offre un état de l'art sur la question du rapport entre les médias et la langue. On verra en particulier que les avis des scientifiques restent partagés quant à la capacité des médias à mener au changement linguistique (Sinner 2017; McLaughlin 2021). Le reste de la communication sera consacré à une analyse d'un texte médiatique historique qui se révèle être une source particulièrement utile pour éclaircir la question fort délicate du rôle joué par les médias dans le changement linguistique. Le texte en question est le premier périodique consacré à la langue française elle-même, à savoir le Journal de la langue françoise, soit exacte soit ornée (Domergue 1784–1795). La périodicité de sa parution et l'interactivité que permet sa forme épistolaire sont deux facteurs parmi d'autres qui expliquent l'intérêt particulier de ce texte métalinguistique révolutionnaire. Pour cerner l'impact du Journal de la langue françoise, mes analyses s'articuleront autour de deux axes variationnels: le genre et la variation régionale. Par ce travail, j'espère souligner l'intérêt et l'importance de la contribution des médias à la variation et au changement linguistique.
- Domergue, François Urbain (ed.) (1784–1795). Journal de la langue françoise, soit exacte soit ornée.
- McLaughlin, Mairi (2021). La presse française historique: histoire d'un genre et histoire de la langue. Paris: Garnier.
- Sinner, Carsten (2017). "Language Change through Medial Communication". In: Kristina Bedijs/Christiane Maaß (eds). Manual of Romance Languages in the Media. Berlin/Boston: De Gruyter, 381–410.
Peter Reimer (Karlsruhe)
Les restructurations des ressources associées aux français de personnes congolo-françaises en Lorraine
L'expérience de la migration est un évènement crucial pour l'identité causant des restructurations du répertoire langagier, car la confrontation avec un nouvel cadre d'action impose une réévaluation de l'être et de ses ressources afin de pouvoir participer, se positionner et endosser des rôles. Le cas d'une migration d'un pays francophone dans un autre pays francophone, comme celui des personnes migrées de la République du Congo en France étudié dans ma thèse (Reimer 2023), a permis de prendre en compte non seulement les restructurations du répertoire langagier de manière large, mais aussi celles concernant les ressources associées aux français. La contribution proposée présentera ces processus en partant des contextes théoriques, méthodologiques et empiriques de la recherche ethnographique multi-située en Lorraine et au Congo. Elle a rassemblé des observables et entretiens semi-directifs d'entre 30 minutes et deux heures avec 6 migrantes et 9 migrants entre 21 et 67 ans qui avaient migré entre 5 et 27 ans auparavant. Après la transcription des entretiens avec une adaptation du GAT de Selting et al. (1998) aux besoins d'une prise en compte des variations orales du français, une analyse ancrée et des analyses de discours ont été effectuées afin de reconstruire des biographies langagières et des réseaux communicationnels.
- Reimer, Peter. 2023. Restructuration des répertoires langagiers de migrant·e·s de la République du Congo en Lorraine. Frankfurt am Main: Universitätsbibliothek Johann Christian Senckenberg.
- Selting, Margret et al. 1998. "Gesprächsanalytisches Transkriptionssystem (GAT)". Linguistische Berichte 173, 91–122.
Ursula Reutner (Passau)
Les africanismes dans le Petit Robert. Construction et évaluation de l'espace des variétés françaises en lexicographie
Pendant longtemps les dictionnaires globaux du français ont été limités au standard parisien et aux variétés de la zone traditionnelle en Europe. Les variétés extra-européennes ont d'abord été prises en compte avec l'intégration de quelques canadismes de bon aloi (cf. Reutner 2007). Des expressions africaines ont été ajoutées progressivement. Cette communication porte sur l'intégration et l'évaluation de ces africanismes dans le Petit Robert (PR). Combien d'expressions africaines sont registrées dans l'édition actuelle avec un marqueur correspondant et à quels domaines sémantiques appartiennent-elles? Dans quelles sous-régions et dans quels pays les expressions sont-elles utilisées et quelles indications de marquage leur sont attribuées? L'identification, la catégorisation et l'analyse des africanismes dans le Petit Robert promettent trois sortes de résultats: (i) un aperçu de la construction et de la représentation de l'espace de la variation et des variétés du français par les lexicographes du PR, (ii) un bilan sur les variétés et formes africaines qu'ils considèrent comme suffisamment prestigieuses pour être anoblies par une inclusion dans le dictionnaire global, (iii) une impression de la perception et des attitudes linguistiques des locuteurs et locutrices natives qui consultent le dictionnaire normatif comme modèle légitime. En tenant compte de Reutner ed. (2024), nous montrons aussi dans quelle mesure le choix du PR est représentatif du français africain et quels types de formes et variétés du lexique français de l'Afrique sont préférées.
Maj-Britt Wesemeyer (Kiel)
Attitudes linguistiques envers le nouchi – Ivoiriennes et Ivoiriens au Canada et en Allemagne
Au cours des dernières décennies, on constate dans plusieurs régions urbaines en Afrique des phénomènes linguistiques similaires, appelés entre autres parler jeunes, langues mixtes ou parlers hybrides. Entre eux on trouve de nombreux points communs concernant leurs origines, diffusion et utilisation. (cf. par ex. Boutin/Kouadio N'Guessan 2015). En Côte d'Ivoire, le nouchi s'est développé depuis les années 1970/80. La Côte d'Ivoire est un pays multiethnique où plus de 60 langues sont parlées, mais aucune langue ne s'est imposée comme la langue de tous les Ivoiriens. Né dans la rue le nouchi s'est imposé au fil des ans, surtout à Abidjan, comme langue véhiculaire de toutes les couches sociales (Aboa 2017). Dans ce contexte, Calvet (1997) a constaté que le nouchi semble avoir une fonction identitaire de plus en plus importante, en particulier pour les Ivoiriens vivant à l'étranger. Dans ce cadre, les questions telles que: Quel est le rôle du nouchi dans un contexte de migration? Quelles sont les attitudes des Ivoiriens envers le nouchi lorsqu'ils ne vivent pas en Côte d'Ivoire? émergent. Des entretiens qualitatifs ont été menés avec des Ivoiriens vivant en Allemagne et au Canada et des portraits linguistiques ont été réalisés afin d'étudier les attitudes linguistiques envers le nouchi. Une approche aux attitudes envers le nouchi, les variétés françaises et le plurilinguisme exprimées par les personnes interrogées sera présentée.
- Aboa, Alain Laurent Abia. 2017. "Le nouchi, phénomène identitaire et posture générationnelle". Revue Expressions 3, 61–70.
- Boutin, Béatrice Akissi/Kouadio N'Guessan, Jérémie. 2015. "Le nouchi c'est notre créole en quelque sorte, qui est parlé par presque toute la Côte d'Ivoire". In: Peter Blumenthal (ed.): Dynamiquedes français africains: entre le culturel et le linguistique. Frankfurt am Main: Lang, 251–272.
- Calvet, Louis-Jean. 1997. "Le nouchi, langue identitaire ivoirienne?". Diagonales 42, 33.